(Ottawa) Le gouvernement fédéral continuera de rejeter et de combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes alors que les crimes motivés par la haine à l’endroit de la communauté juive augmentent au Canada et dans le monde, a assuré mercredi le premier ministre Justin Trudeau.

Le chef libéral prenait la parole lors d’un sommet national sur l’antisémitisme organisé par Ottawa. M. Trudeau a soutenu que la montée des crimes haineux était troublante et alarmante.

« L’antisémitisme n’est pas un problème que la communauté juive doit résoudre seule, c’est à chacun de relever ce défi », a-t-il déclaré.

Le gouvernement Trudeau a annoncé mercredi que 150 projets seront développés dans le cadre d’un programme de soutien aux communautés confrontées aux risques de crimes haineux. Ces initiatives totalisent un financement de plus de 6 millions de dollars.

« Il s’agit du plus gros investissement pour une année donnée dans l’histoire du programme, et il renforcera la sécurité de nombreuses synagogues, écoles juives et institutions communautaires », a fait valoir le premier ministre.

Selon lui, les derniers affrontements dans le conflit israélo-palestinien ont résonné partout sur la planète avec une augmentation inacceptable de l’antisémitisme.

« Nous restons déterminés à soutenir les progrès vers une solution à deux États. Nous continuons de nous opposer aux actions unilatérales qui compromettent les perspectives de paix, a affirmé M. Trudeau. Nous soutiendrons fermement les peuples israélien et palestinien dans leur droit de vivre en paix et en sécurité, et avec leurs droits de la personne respectés. »

Il a ajouté que « le Canada soutient fermement le droit d’Israël de vivre en paix avec ses voisins à l’intérieur de frontières sûres, et le droit d’Israël de se défendre ».

La ministre de la Diversité, Bardish Chagger, soulignait qu’un sommet national sur l’antisémitisme permettait aux membres de la communauté de parler directement avec les politiciens dans un environnement qui assure leur sécurité.

Mme Chagger a expliqué dans une entrevue que le gouvernement écoutera et s’engagera avec les membres de la communauté afin de transformer leurs idées en actions pour mettre en œuvre des politiques qui reflètent la diversité du Canada.

Si les discussions sont importantes, la tenue d’un sommet national est insuffisante pour régler la montée des crimes haineux, a fait valoir pour sa part le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh.

« Il existe un certain nombre de solutions que nous connaissons depuis des années et, malheureusement, M. Trudeau n’y a pas donné suite, il n’a pas pris de mesures », a-t-il soutenu.

Le chef néo-démocrate a énuméré un certain nombre d’actions possibles comme lutter contre la haine en ligne et donner des ressources au Service canadien du renseignement de sécurité ou à l’Agence des services frontaliers, entre autres, pour démanteler des groupes suprémacistes blancs et d’extrême droite, qui diffusent des messages de division et haineux, « entraînant la perte de vies humaines ».

Une absence dénoncée

La cheffe du Parti vert, Annamie Paul, a déploré qu’Ottawa l’ait invitée à observer les échanges, mais sans pouvoir s’exprimer. Elle croit que l’évènement s’en trouvera perdant puisqu’elle est « unique en son genre ».

« Je suis la première femme juive à diriger un grand parti politique au Canada, et je ne suis que la deuxième personne juive (à diriger un parti) au cours des 45 dernières années, donc, mon point de vue compte dans cette conversation. »

Sur Twitter, Mme Paul a diffusé une vidéo dans laquelle la cheffe des verts fait part des commentaires qu’elle aurait prononcés si elle avait pris la parole lors du sommet.

« Qu’est-ce qu’on devrait faire pour combattre l’antisémitisme ? C’est de mettre fin au silence parce que c’est dans le silence que la haine peut croître. C’est dans le silence que les idéologies de haine peuvent trouver la terre pour grandir », a-t-elle dit en français.

Mme Paul a appelé les politiciens et tous les alliés de la communauté juive à parler haut et fort pour affirmer que chaque Canadien a droit de vivre en paix avec leur identité.

Irwin Cotler, l’envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, a dit que les Juifs sont ciblés et menacés dans leurs quartiers et que leurs synagogues, leurs monuments commémoratifs et leurs institutions ont également été attaqués et vandalisés.

B’nai Brith Canada, une organisation juive de défense des droits de la personne, a déclaré avoir enregistré 2610 incidents antisémites l’année dernière, la cinquième année consécutive ayant établi un record d’incidents antisémites au Canada.

L’organisation affirme que 44 % des incidents antisémites violents en 2020 étaient liés à la COVID-19, des Juifs ayant reçu des crachats ou été ou agressés d’une autre manière, des agressions motivées en partie par des théories du complot antisémites.

Plan d’action national

M. Cotler a proposé un plan d’action en 10 points pour lutter contre l’antisémitisme au Canada lors du sommet.

« Le sommet est aussi opportun qu’il est nécessaire, mais il ne sera efficace que si, en fait, nous mettons en œuvre un plan d’action », a-t-il déclaré.

Son plan demande au gouvernement de mandater et de mettre en œuvre un plan d’action national complet pour lutter contre l’antisémitisme en renforçant la sécurité et la protection des institutions juives, notamment les synagogues, les écoles, les centres communautaires et les sites commémoratifs. Le plan fournirait également plus de ressources pour l’éducation à l’Holocauste et à l’antisémitisme, entre autres éléments.

Il dit que les gouvernements canadiens devraient tirer des leçons des meilleures pratiques et des échecs des pays européens qui ont élaboré des plans et des propositions pour lutter contre les crimes haineux antisémites.

Le gouvernement fédéral tiendra également un sommet sur l’islamophobie cette semaine.

Cet article a été produit avec l’aide financière des bourses de Facebook et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.