(Ottawa) Comme des millions de Canadiens, les députés fédéraux envisagent avec des sentiments partagés la perspective de reprendre normalement leurs activités après 15 mois de télétravail.

Pour la plupart des élus, un retour à la normale peut signifier des voyages épuisants et de longues périodes loin de leurs proches.

Les députés semblent toutefois impatients de revenir à cette routine dès que la pandémie de COVID-19 aura été éradiquée.

Depuis septembre, les Communes et ses comités permanents fonctionnent de manière hybride. Un petit contingent de députés est physiquement présent au Parlement, tandis que les autres participent aux activités parlementaires de manière virtuelle.

Au cours des six premiers mois de la pandémie, les députés n’ont siégé que sporadiquement pendant un jour ou deux à la fois pour adopter diverses mesures urgentes. Un nombre minimal d’élus étaient sur place.

Le whip du gouvernement, Mark Holland, dit avoir été « époustouflé » par la façon dont le personnel des Communes a réussi à faire fonctionner la formule hybride. Toutefois, il ne souhaite pas la poursuivre lorsque la pandémie sera terminée.

L’importance de nous réunir en personne ne fait aucun doute pour moi. L’incapacité de le faire nous a fait rater des occasions. La présence physique à Ottawa est tellement essentielle au travail que nous faisons. Il y a beaucoup d’échanges d’idées féconds, des occasions spontanées de discuter et des liens qui s’établissent. Ce sont des ingrédients vraiment importants pour faire fonctionner un Parlement.

Mark Holland, whip du gouvernement

La leader parlementaire adjointe du Bloc québécois, Christine Normandin, constate que le télétravail est devenu sa réalité.

Fraîchement élue en octobre 2019, elle n’a connu la normalité des activités parlementaires que pendant quelques semaines. Mme Normandin dit avoir réussi malgré tout à faire la connaissance de ses 31 collègues bloquistes.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

La leader parlementaire adjointe du Bloc québécois, Christine Normandin

« [Mais] ce n’est pas la même chose que de tenir des caucus en personne, que d’être tous ensemble à la Chambre des communes et de pouvoir mener des conversations en parallèle. Ce sont des choses que nous ne pouvons pas faire quand nous sommes sur Zoom. »

Le député néo-démocrate Daniel Blaikie ne souhaite pas que la formule des débats virtuels soit maintenue, malgré les avantages de travailler de son domicile.

« Cela a été vraiment agréable d’être proche de mes enfants au cours des 15 derniers mois, reconnaît-il. C’est agréable d’être chez soi et de ne pas voyager 10 heures par semaine, et même plus pour certains collègues. C’est un temps précieux qu’on perd et qu’on ne peut pas récupérer. »

Selon M. Blaikie, le Parlement hybride a créé une ambiance et une culture totalement différentes. Il s’est senti isolé à certains égards.

La politique est l’art de nous entendre. C’est plus difficile à faire quand on ne se voit pas.

Daniel Blaikie, député néo-démocrate

Mark Holland dit que le manque de contacts personnels a compliqué sa tâche de gérer le caucus de son parti comptant 155 députés.

Les nouveaux députés ont eu l’impression de ne pas avoir eu la chance de participer ou de mieux connaître leurs collègues, mentionne-t-il. Il lui a été encore plus difficile d’apprendre à connaître les nouveaux députés des partis d’opposition et d’établir des liens qui peuvent être essentiels à la survie d’un gouvernement minoritaire.

« On apprend habituellement à les connaître dans les couloirs et dans les salles de comité. On n’a pas pu le faire. Il y a un manque de cohésion à certains égards parce qu’on n’a pas pu établir ces relations », avance M. Holland.

Les conservateurs, eux, ont hâte de revenir à la normale.

« Quiconque a regardé les débats au cours de la dernière année dira que les débats par vidéoconférence ne remplacent pas la réalité, souligne le whip conservateur Blake Richards, dans une déclaration écrite. Depuis le tout début [de la crise sanitaire], nous avons soutenu que ces mesures devaient être temporaires et que les députés devraient revenir travailler en personne lorsqu’il sera sécuritaire de le faire. »

Les députés Blaikie, Holland et Normandin jugent qu’un consensus de tous les partis sera nécessaire si on veut maintenir certains aspects de la formule hybride.

« Il y a assurément eu des choses positives », observe Mme Normandin.

Selon elle, une certaine participation à distance peut encourager les personnes ayant de jeunes enfants ou souhaitant fonder une famille de se lancer en politique. Elle se demande aussi si on pouvait adopter la participation virtuelle dans certaines circonstances, comme une tempête de neige.

« Personne ne souhaite que la Chambre des communes devienne virtuelle à 100 %, dit la députée de Saint-Jean. Personne ne veut ça. Il faut trouver un équilibre. »