(Ottawa) Le dossier israélo-palestinien provoque de nouveaux remous au Parti vert. Une fracture se dessine entre la cheffe Annamie Paul, de confession juive, et deux de ses trois élus — que le conseiller principal de la dirigeante a carrément accusés d’antisémitisme.

L’enjeu avait donné du fil à retordre à l’ancienne leader de la formation, Elizabeth May, en 2016. Après que les militants verts eurent adopté en congrès une motion appuyant des sanctions économiques contre Israël, elle avait songé à quitter son rôle.

La tempête a fini par passer. Mais une autre, possiblement plus puissante encore, s’est abattue au cours des derniers jours. Deux déclarations sur la reprise du conflit ont mis le feu aux poudres, car jugées trop timides dans leur condamnation de l’État hébreu.

Du trio de verts, une a exprimé clairement sa désapprobation. « Cette déclaration est totalement inadéquate », a écrit Jenica Atwin en réaction à un communiqué de son parti, le 11 mai dernier. « Je me tiens debout avec la Palestine. […] Mettons fin à l’apartheid ! »

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La députée Jenica Atwin

Un autre élu, Paul Manly — que le Nouveau Parti démocratique (NPD) avait empêché de se présenter sous sa bannière en 2015 en raison d’un penchant pro-palestinien, selon lui —, dénonçait un jour auparavant, sur Twitter, le « nettoyage ethnique » en cours à Jérusalem-Est.

PHOTO TIRÉE DU SITE DU PARTI VERT

Le député Paul Manly

Pas de regret

Les deux se sont retrouvés dans la ligne de mire de Noah Zatzman, conseiller principal de la dirigeante Annamie Paul. Dans une capture d’écran qui a été relayée par CBC, il leur a apposé l’étiquette d’antisémites, essentiellement.

Il ne le regrette pas. « Ces deux députés ont propagé ce que je considère comme étant des propos antisémites », affirme-t-il en entrevue avec La Presse. « Je ne cherche pas à écarter Jenica ou Paul », assure-t-il.

Mais voilà, le Parti vert veut se transformer en formation « mainstream » et faire des gains, et si cela veut dire qu’il doit « perdre Jenica en cours de route pour cela, eh bien, tant pis », tranche Noah Zatzman.

« Il devrait être viré immédiatement »

Le conseiller en a également contre Dimitri Lascaris, candidat malheureux à la dernière course à la direction du parti, qu’il a aussi taxé d’antisémitisme. Furieux, le Montréalais réclame le départ du stratège.

« Je n’ai jamais vu une chose pareille en politique canadienne : le conseiller d’une leader accuser [des] députés d’être des antisémites ! Il devrait être viré immédiatement », s’est insurgé ce dernier dans un entretien.

Invitée à commenter ce tumulte, Annamie Paul est demeurée vague. « Je n’ai pas suivi le bavardage en ligne ; je le fais rarement. Mais en ce qui a trait à l’antisémitisme, il est clair qu’il y a eu une augmentation [des incidents] », a-t-elle offert lundi.

En octobre dernier, l’avocate de formation, qui n’a toujours pas de siège à Ottawa, est devenue la première femme noire et la première femme de confession juive à être hissée à la tête d’un parti fédéral. Elle a été élue avec 50,6 % des voix, devançant Dimitri Lascaris, qui en a récolté 42,2 %.

Elle sera de passage à Montréal les 3 et 4 juin.