(Ottawa) Israël a été pointé du doigt par la décision du Canada de soutenir l’appel de l’ONU à un cessez-le-feu à Gaza, a lancé mercredi l’ambassadeur du pays à Ottawa.

L’ambassadeur israélien Iddo Moed a qualifié de « très décevant » le fait que le Canada ait rompu avec une pratique de longue date en votant mardi en faveur d’une résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feu dans le plus récent conflit entre Israël et Gaza.

« En connaissance de cause, le Canada a pris la décision de se ranger du côté de ceux qui désignent Israël comme coupable de la situation actuelle », a déclaré M. Moed en entrevue.

« Dans ce combat, nous avons besoin que la communauté internationale se tienne à nos côtés. Malheureusement, nous constatons que la communauté internationale fait exactement le contraire. Elle met Israël à l’écart au sein des Nations unies », a-t-il ajouté.

Responsabilité partagée

La résolution non contraignante appelle à « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » entre Israël et le Hamas. Le vote a marqué un changement radical dans la position de longue date du Canada, qui s’est rangé du côté d’Israël dans les résolutions majeures.

La récente guerre entre Israël et le Hamas a commencé après que les militants du groupe armé ont lancé une attaque-surprise en Israël le 7 octobre, tuant 1200 personnes, dont des centaines de civils, et prenant environ 240 personnes en otage.

Israël a riposté par des frappes aériennes sur la bande de Gaza contrôlée par le Hamas et en coupant l’accès à de nombreuses fournitures essentielles. Les autorités locales affirment que plus de 18 000 Palestiniens ont été tués.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau

Le premier ministre Justin Trudeau a maintenu sa décision de soutenir la résolution. Il a affirmé que les deux parties avaient la responsabilité d’œuvrer en faveur d’une paix durable.

« Nous allons continuer à participer aux efforts internationaux urgents en vue d’un cessez-le-feu durable, mais cela ne peut pas être unilatéral. Nous devons voir le Hamas déposer les armes », a déclaré M. Trudeau.

Le soutien à un cessez-le-feu humanitaire était nécessaire en raison de la souffrance « continue » des civils palestiniens qui disposent de zones de sécurité « de plus en plus réduites » à Gaza, a évoqué l’ambassadeur des Nations unies Bob Rae à l’Assemblée générale après avoir voté pour le Canada.

M. Rae n’était pas disponible pour une entrevue mercredi.

Selon M. Moed, les commentaires de M. Rae ne tenaient pas compte du contexte important concernant le rôle du Hamas dans la répression des Palestiniens, le détournement de fournitures essentielles vers ses opérations et l’utilisation de civils comme boucliers humains.

« Il est très regrettable de mettre tout sur le dos d’Israël. Et cela fait le jeu de ceux qui ne veulent pas qu’Israël existe », a-t-il soutenu.

Les détracteurs du vote ont fait remarquer que les libéraux n’avaient pas mentionné Israël dans la liste des pays qu’ils avaient consultés avant le vote de l’ONU, mais M. Moed a déclaré que son pays avait en fait participé à ces pourparlers.

Cependant, il n’est pas certain « que ces consultations aient le poids qu’il faut ».

Israël s’efforce de respecter le droit international et de limiter le nombre de victimes, a souligné M. Moed. Le Hamas est en fin de compte responsable des nombreux Palestiniens tués pendant la guerre, a-t-il ajouté.

« Nous pouvons mentionner le fait que le Hamas exagère les chiffres […], mais cela n’enlève rien au fait que de nombreuses personnes meurent, a dit M. Moed. Beaucoup de gens – des innocents, des bébés, des familles – nous le savons. Nous en sommes conscients. Nous essayons de l’éviter. Mais le Hamas en est responsable. »

Des tensions

Malgré ses critiques, M. Moed estime que les relations entre le Canada et Israël sont généralement saines, citant comme preuve le long appel téléphonique de M. Trudeau avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

« C’est le point le plus important que nous devrions voir devant nous. Il s’agit de discussions ouvertes, longues et franches sur de nombreux sujets », a-t-il déclaré.

Et ce, malgré les mois de tensions qui ont précédé les attaques du Hamas.

Le gouvernement libéral a publiquement fait part de ses préoccupations sur deux sujets : une réforme judiciaire proposée par M. Nétanyahou, qui visait à limiter le pouvoir des juges, ainsi qu’une déclaration d’un ministre de droite de son gouvernement de coalition selon laquelle un village palestinien de Cisjordanie devrait être « effacé » à la suite d’affrontements violents.

En juillet, M. Trudeau a déclaré que l’invitation de M. Nétanyahou à se rendre au Canada n’était « pas à l’ordre du jour pour le moment ».

Le président américain Joe Biden a tenu des propos plus fermes que ceux de M. Trudeau, affirmant que les partenaires ministériels de M. Nétanyahou « ne veulent rien qui s’approche de près ou de loin d’une solution à deux États » et qu’ils commencent à perdre le soutien de la communauté internationale en raison des « bombardements aveugles » à Gaza.

Les États-Unis, qui ont voté contre la résolution, continuent néanmoins de s’opposer à un cessez-le-feu immédiat.

La résolution ne contient ni condamnation du Hamas ni soutien au droit d’Israël à se défendre, a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, lors du point de presse de la Maison-Blanche.

« Il est donc évident que nous n’allions pas adhérer à cette résolution », a-t-il dit.

M. Moed a déclaré qu’Israël espérait que le Canada continuerait à soutenir ses efforts pour éradiquer le Hamas, mais il a confirmé que le gouvernement israélien n’avait pas de définition claire de ce que serait la victoire dans ce conflit.

« Nous sommes toujours au milieu d’une guerre. Nous ne savons pas encore dans quel sens elle va se dérouler », a-t-il mentionné.

Avec les informations de James McCarten à Washington