La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a annoncé vendredi que le Canada enverra un escadron de 15 chars Leopard en Lettonie en appui à un groupement tactique de 10 pays de l’OTAN installés dans cet État balte pour dissuader toute menace externe (lire, la Russie) et dont le Canada assume le commandement.

Pour appuyer le fonctionnement de ces 15 chars, l’armée canadienne déploiera aussi plus de 35 autres véhicules dont deux véhicules blindés de dépannage, plusieurs autres servant à la maintenance, au ravitaillement en essence et au transport des outils, des équipements d’essai, etc. Quelque 130 militaires s’ajouteront aux centaines de camarades déjà présents.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Défense nationale, Anita Anand

La facture de ce nouvel envoi n’a pas été déterminée pour l’instant. La durée prévue de ce nouveau déploiement est de six mois.

Selon Robert Baines, président-directeur général de l’Association canadienne pour l’OTAN, cet engagement canadien est très important dans la mesure où l’armée canadienne compte en ce moment 82 chars Leopard de combat principaux. On se rappellera qu’en début d’année, le Canada a envoyé quatre chars Léopard à l’Ukraine, un nombre qui est passé à huit quelques semaines plus tard.

Au lieu de faire de la maintenance et de l’entraînement sur le sol canadien, on va le faire en Lettonie, là où sont les besoins. Le Canada envoie ainsi un signal fort de son engagement envers l’OTAN.

Robert Baines, président-directeur général de l’Association canadienne pour l’OTAN

Le Canada est en Lettonie dans le cadre de la mission REASSURANCE. Celle-ci a été envoyée en 2014 à la suite de l’invasion et de l’occupation de la Crimée par la Russie. En réaction, les pays de l’OTAN ont mis en place un plan de dissuasion en Europe centrale.

« Ordre naturel des choses »

Stéphane Roussel, professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique (ENAP), voit l’envoi de chars canadiens dans une logique de continuité. « Le Canada n’a jamais été une puissance de chars d’assaut, dit-il. Ce n’est pas dans la tradition canadienne pour la simple raison qu’un tel char est totalement inutile pour la défense du territoire canadien. La raison pour laquelle le Canada s’est doté de blindés est d’avoir un corps expéditionnaire. Ç’a été par exemple le cas en Corée et en Afghanistan. Donc, les envoyer en Lettonie est dans l’ordre naturel des choses. »

« Je pense qu’il est utile de voir l’engagement du Canada à fournir des troupes et des équipements supplémentaires à la Lettonie à la lumière des récents commentaires qui ont suggéré que le Canada n’allait pas respecter son engagement envers l’OTAN de dépenser 2 % de son PIB pour la défense », relève pour sa part Thomas Hughes, chercheur postdoctoral au Centre for International and Defence Policy de l’Université Queen’s.

J’ai le sentiment que le Canada est soumis à une certaine pression pour démontrer qu’il apporte une contribution précieuse à l’Alliance. Je ne pense pas que la décision d’envoyer ces chars en Europe soit une réponse directe à cette situation, mais elle s’inscrit dans un contexte important.

Thomas Hughes, chercheur postdoctoral au Centre for International and Defence Policy de l’Université Queen’s

Aucun des trois experts ne croit que cette décision va piquer davantage au vif la Russie, qui a dit être au bord de la rupture de ses relations avec le Canada à la suite de la saisie, il y a quelques jours, d’un avion-cargo russe à Toronto.

Via Montréal

Avant d’aboutir en Lettonie, les chars canadiens passeront par Montréal.

« Le mouvement des chars 2A4M commencera d’ici la fin juin, indique le bureau des relations avec les médias des Forces armées canadiennes (FAC) dans un échange de courriels avec La Presse. Ceux-ci seront transportés des bases de soutien des divisions d’Edmonton (Alberta) et de Gagetown (Nouveau-Brunswick) vers le Centre de mise en service de l’équipement de l’armée de Montréal. Les véhicules quitteront ensuite Montréal par bateau à la mi-septembre et devraient arriver en Lettonie à l’automne 2023. »

Au cours de leur séjour montréalais, ces tanks passeront par les étapes de l’entretien, de la réparation, de la mise à niveau et de l’inspection finale afin de « s’assurer qu’ils sont prêts à soutenir les opérations ».

Soutien à l’Ukraine

L’annonce de la ministre Anand s’ajoute à une flopée de nouveaux engagements d’aide militaire (chars, missiles, etc.) envers l’Ukraine par les ministres de la Défense des pays de l’OTAN, réunis à Bruxelles jeudi et vendredi.

Dans un article, le média spécialisé Politico s’est toutefois demandé si l’industrie militaire sera en mesure de suivre la cadence.

« La question est devenue centrale la semaine dernière, lorsque des images d’équipements détruits – notamment des véhicules de combat Bradley de fabrication américaine et des chars Leopard de fabrication allemande – ont commencé à faire surface sur les médias sociaux, rapporte ce média. La nécessité d’approvisionner et de soutenir l’Ukraine coïncide avec le moment où les différents gouvernements s’efforcent d’accroître le financement de leurs propres industries de défense afin d’augmenter la production. »

L’aide à l’Ukraine et la protection des États baltes reviendront sans doute à l’ordre du jour du prochain sommet de l’OTAN, les 11 et 12 juillet à Vilnius, capitale de la Lituanie.

En savoir plus
  • 1999-2000
    Avant la Lettonie, la dernière présence de chars canadiens en mission en Europe remonterait à 1999-2000. « C’est en Macédoine, en 1999-2000, que le Canada a déployé à l’étranger son plus important contingent de militaires depuis la guerre de Corée. Il y a aussi déployé pour la première fois depuis cette guerre des chars lourds en situation de conflit armé », lit-on sur le site des Forces armées canadiennes.
    SOURCE : Forces armées canadiennes
    82
    Actuellement, l’armée canadienne compte 82 chars de combat principaux Leopard 2 en 3 variantes : 42 chars 2A4 ; 20 chars 2A4M et 20 chars 2A6M. L’armée canadienne dispose également de 30 véhicules du génie et de dépannage Leopard 2 pour fournir un soutien à la mobilité à la flotte de véhicules de combat.
    SOURCE : forces armées canadiennes