(Fredericton) Certaines municipalités du Nouveau-Brunswick sont obligées de trouver des solutions créatives pour pallier la pénurie de policiers de la GRC, un phénomène qui, selon les experts, est symbolique de ce que vivent une grande partie des petites villes du Canada.

Les habitants de McAdam, un village historique d’environ 1100 habitants au nord-ouest de Saint-Jean, ont organisé des patrouilles de nuit pour compenser le manque de présence policière. Quelque 200 kilomètres plus au nord, la petite ville de Tobique Valley a embauché des agents de sécurité privés pendant un week-end l’an dernier après une vague de vols.

La pénurie de policiers à Tobique Valley entraîne une augmentation des vols et du vandalisme, a déclaré le maire du district, Tom Eagles, lors d’une récente entrevue.

« Ils travaillent par quarts et il y a des moments où vous ne les voyez pas ici pendant des jours, a déclaré M. Eagles à propos des agents de la GRC. Je pense toujours que nous avons la meilleure force de police au monde. Mais ils travaillent au sein d’un système défaillant. »

La GRC – en plus de lutter contre les crimes majeurs comme le terrorisme et la traite des personnes – doit fournir des services de police à environ 150 municipalités à travers le Canada dans huit provinces ; le Québec et l’Ontario ont leurs propres services de police provinciaux. Mais la GRC a de la difficulté à recruter, et de petites collectivités à travers le pays disent en souffrir.

« C’est un travail dangereux. Et puis la GRC a récemment fait l’objet de nombreuses critiques publiques », a souligné Michael Boudreau, professeur de criminologie à l’Université St. Thomas, lors d’une récente entrevue. De plus, le corps policier n’a jamais été créé pour fournir des services de police ruraux et dans les petites villes, a-t-il affirmé.

« Il a été créé à titre de corps de police national, mais pas nécessairement pour être une force de police rurale. Il a été créé pour des choses comme la traite des êtres humains, le terrorisme, le crime organisé, mais en ce qui a trait au maintien de l’ordre au quotidien sur le terrain – c’était jamais vraiment l’intention du corps policier », a indiqué M. Boudreau.

Les pénuries de main-d’œuvre empêchent les agents d’intervenir en temps opportun, un problème non seulement au Nouveau-Brunswick, mais aussi en Nouvelle-Écosse, a-t-il indiqué.

Les problèmes de police rurale de la GRC ont été mis en évidence dans le rapport final de l’enquête publique sur la fusillade de masse en Nouvelle-Écosse, au cours de laquelle 22 personnes ont été assassinées en deux jours en avril 2020 par un homme armé au volant d’une réplique de la voiture de police de la GRC. Le rapport de la commission a révélé des échecs généralisés dans la façon dont la GRC a répondu aux pires fusillades de masse au Canada et a recommandé qu’Ottawa revoie la façon dont la police est formée.

Le rapport indique également que les responsables provinciaux et municipaux devraient avoir davantage leur mot à dire dans les décisions de dotation de la GRC, y compris dans la sélection des commandants de détachement.

M. Boudreau a déclaré que le tireur de la Nouvelle-Écosse a pu échapper à la police aussi longtemps qu’il l’a fait, en partie parce qu’il connaissait la région, contrairement à certains agents de la GRC. « L’idée de la police communautaire ne fonctionne pas, car pour faire de la police communautaire, vous devez en fait être dans la communauté », a-t-il fait valoir.

Des solutions de rechange

Pendant ce temps, à McAdam, les habitants ont installé des caméras de sécurité sur leurs propriétés et s’assurent de verrouiller les vélos et autres biens pour dissuader les voleurs. Le maire Ken Stannix a déclaré qu’après s’être plaint du manque de présence policière entre minuit et 6 heures du matin – lorsque la plupart des vols semblent se produire – « [la municipalité] a réussi à faire patrouiller un agent de la GRC la nuit ».

À Tobique Valley, a dit M. Eagles, le service d’incendie a commencé à répondre aux accidents de la route. « Ils viennent. Je veux dire, si c’est grave, ils viennent », a-t-il déclaré à propos de la GRC concernant les accidents de la route. « Parfois, c’est plus tard… ce n’est pas aussi rapide que nous le souhaiterions. Vous pouvez attendre longtemps. »

M. Eagles a déclaré que l’ancien détachement de la GRC dans la communauté de Plaster Rock – avant la fusion pour former Tobique Valley – était composé de quatre agents qui avaient appris à connaître les résidants. « Mais maintenant, nous ne connaissons personne », a-t-il dit.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a mis de côté 20,5 millions dans son récent budget pour payer 80 agents supplémentaires de la GRC et 51 nouveaux agents de première ligne pour les régions rurales.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, a déclaré récemment que son gouvernement était ouvert à d’autres modèles de police, tout en disant qu’il s’efforçait pour le moment à améliorer le modèle en place.

Le porte-parole de la GRC du Nouveau-Brunswick, le caporal Hans Ouellette, a déclaré qu’il y avait suffisamment d’agents pour répondre aux appels urgents et assurer la sécurité publique.

« Les ressources policières de la GRC au Nouveau-Brunswick sont basées sur la charge de travail et d’autres facteurs, et non sur un nombre minimum de policiers, a-t-il déclaré dans un courriel. L’allocation future des ressources policières sera mesurée par rapport à ces facteurs, tout en tenant compte de facteurs tels que le ratio de policiers par rapport à la population et à la géographie. »

M. Boudreau a déclaré que le nouveau commissaire de la GRC, Mike Duheme, a une tâche herculéenne devant lui pour réformer l’institution, ajoutant que la mise en œuvre des recommandations de la commission sur la fusillade de masse en Nouvelle-Écosse nécessitera beaucoup de temps et d’efforts.

« Nous devons repenser la façon dont nous assurons le maintien de l’ordre. Il est peut-être temps pour une force de police provinciale », a indiqué le professeur de criminologie.