(Ottawa) Le Conseil du trésor fédéral dit ne pas avoir l’intention d’élargir ses primes au bilinguisme aux fonctionnaires qui parlent une langue officielle et une langue autochtone. Les primes demeurent donc réservées aux employés parlant français et anglais.

Cette prime au bilinguisme vaut 800 $ par année aux fonctionnaires fédéraux qui occupent un poste où la connaissance du français et de l’anglais est requise.

Une proposition visant à élargir l’accès à la prime aux personnes parlant une langue officielle et une langue autochtone avait été formulée l’an dernier par des fonctionnaires d’expérience qui réfléchissaient à des solutions pour répondre aux enjeux soulevés par des collègues autochtones.

Certains détails de ces propositions se trouvaient dans des notes d’information obtenues par La Presse Canadienne grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

L’Alliance de la fonction publique du Canada, un syndicat qui représente plus de 120 000 fonctionnaires fédéraux sous l’autorité du Conseil du trésor a proposé la création d’une prime aux langues autochtones afin de récompenser les travailleurs qui utilisent ces langues dans le cadre de leurs fonctions.

Le président national du syndicat, Chris Aylward, a déclaré que son organisation avait identifié près de 500 fonctionnaires fédéraux parlant une langue autochtone dans le cadre de leurs fonctions.

« C’est une pratique discriminatoire, a-t-il déclaré en entrevue. Alors que leurs collègues touchent une prime pour parler une deuxième langue, eux ne reçoivent rien. Comment ce gouvernement peut-il justifier cela ? »

« Ce serait une manière très progressiste et très concrète pour le gouvernement de reconnaître l’importance des langues autochtones au Canada. C’est gagnant-gagnant », a-t-il renchéri.

Chris Aylward a souligné que le syndicat, qui négocie une nouvelle convention collective avec le gouvernement depuis plus d’un an, propose de bonifier la prime au bilinguisme pour qu’elle atteigne 1500 $. Il insiste aussi pour que ces primes soient versées aux fonctionnaires qui parlent une langue autochtone dans leurs fonctions.

« Nous croyons fermement que les employés autochtones devraient être reconnus pour les langues qu’ils parlent », a-t-il martelé.

Ces primes au bilinguisme ont pour objectif de soutenir l’engagement du gouvernement selon lequel les fonctionnaires fédéraux ont le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix. Les institutions fédérales ont l’obligation de respecter ce droit en raison de la loi sur les langues officielles, rappelle le porte-parole du Secrétariat du Conseil du trésor du Canada, Alain Belle-Isle.

« Le Conseil du trésor n’a aucune intention d’élargir la portée de la prime au bilinguisme pour inclure les langues autochtones », a assuré M. Belle-Isle.

Dans une réaction subséquente, un porte-parole de la ministre responsable du Conseil du trésor, Mona Fortier, a déclaré que le gouvernement était engagé à créer une fonction publique inclusive et à travailler pour abolir les barrières à l’emploi et à l’avancement.

« Nous ne changerons jamais le principe fondamental du bilinguisme dans la fonction publique », a écrit Scott Bardsley, qui a pris le soin d’ajouter que 40 % des emplois fédéraux nécessitent une maîtrise des deux langues officielles.

Il a également soutenu que la représentation autochtone parmi le personnel-cadre du gouvernement est passée de 3,7 % en 2015-2016 à 4,4 % en 2020-21.

La préservation et la promotion des langues autochtones font partie des promesses faites par le gouvernement libéral de Justin Trudeau dans le cadre du processus de réconciliation. En 2019, un projet de loi a été adopté pour soutenir la revitalisation des langues dans les communautés autochtones du pays.

Les données du recensement de 2021 montrent un léger recul du nombre de personnes affirmant parler une langue autochtone. Les chiffres indiquent aussi une baisse du taux de Canadiens parlant français à la maison.

La députée néo-démocrate du Nunavut, Lori Idlout, qui parle inuktitut, affirme vouloir convaincre le Conseil du Trésor de modifier son approche.

« Je suis très déçue, a-t-elle commenté. Je suis fâchée. »

La députée estime que les fonctionnaires fédéraux qui parlent une langue autochtone, comme l’inuktitut, fournissent de meilleurs services aux populations autochtones et ils devraient avoir droit aux mêmes avantages que leurs collègues qui parlent français et anglais.

« Le Canada a été bâti sur des territoires autochtones, sur des territoires des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et si la réconciliation doit se concrétiser, c’est l’une des manières d’y parvenir. Ces gens doivent avoir la même valeur que les employés qui sont des francophones ou des anglophones bilingues », a-t-elle plaidé.