(Montréal) La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, promet d’évoquer le manque de liberté de la presse en Russie le mois prochain, lors d’une conférence que co-organise le Canada avec le Royaume-Uni.

Mme Freeland a commenté ce dossier lundi, le même jour où trois grands quotidiens russes ont démontré un rare élan de solidarité en publiant une première page presque identique pour appuyer un journaliste détenu.

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Ivan Golunov

Le journaliste d’enquête Ivan Golunov a été battu et détenu pendant 12 heures sans avoir accès à un avocat après avoir été arrêté par la police à Moscou mardi dernier, selon son avocat. Il fait face à des accusations de trafic de drogues, qui selon lui, auraient été inventées par la police.

La ministre, qui était elle-même journaliste avant de se présenter en politique, a assuré que le Canada suivait la situation « de très près ».

Chrystia Freeland et son homologue britannique Jeremy Hunt organisent une conférence internationale sur la liberté de la presse à Londres à la mi-juillet.

La conférence permettra de discuter du manque de liberté de la presse dans certains pays, comme la Russie, a-t-elle précisé aux journalistes à la suite de son intervention à la Conférence de Montréal du Forum économique international des Amériques.

« Ce sera le premier de ce qui deviendra un événement annuel », a-t-elle poursuivi, ajoutant que le Canada s’était engagé à accueillir la deuxième conférence l’année prochaine.

Front commun des journaux

Kommersant, Vedomosti et RBK, qui sont parmi les journaux les plus respectés de la Russie, ont publié un éditorial commun lundi portant le titre : « Je suis/Nous sommes Ivan Golunov ».

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Trois grands quotidiens russes ont démontré un rare élan de solidarité en publiant une première page presque identique pour appuyer un journaliste détenu.

Les quotidiens ont demandé une enquête sur cette affaire et ont rejeté les preuves présentées contre le journaliste. Les médias russes sont fragmentés, et un tel élan de solidarité est rare.

Les circonstances de l’arrestation du journaliste ont alarmé la communauté des médias. Dans une tentative apparente de présenter M. Golunov comme un trafiquant de drogue professionnel, la police a publié vendredi plusieurs photos, qui auraient été prises au domicile du journaliste, de ce qui semblait être un laboratoire de drogue. La police s’est finalement rétractée, affirmant que les photos avaient été prises ailleurs.

Selon le Comité pour la protection des journalistes, 58 journalistes ont été tués en Russie entre 1992 et 2019. L’un des cas les plus célèbres est celui d’Anna Politkovskaïa, réputée pour sa couverture critique de l’invasion et de l’occupation de la Tchétchénie par l’armée russe. Elle a été abattue dans son immeuble d’appartements en 2006.

Hausse des prisonniers politiques

Toujours lundi, le Centre pour les droits de l’homme Raoul Wallenberg et une coalition d’autres groupes internationaux ont publié un rapport selon lequel le nombre de prisonniers politiques en Russie aurait augmenté de 50 à près de 300 au cours des quatre dernières années.

L’ancien ministre canadien de la Justice et président du Raoul Wallenberg Center, Irwin Cotler, a déclaré dans un communiqué que le rapport « expose et démasque » la « culture de corruption et de criminalité » du gouvernement russe.

M. Cotler a ajouté que le rapport identifiait « les architectes individuels de cette répression » et appelait le gouvernement canadien à imposer des sanctions financières ciblées et des interdictions de voyager à ces personnes.

Parmi les noms se retrouvant dans le rapport, on retrouve le président Vladimir Poutine, le directeur du service de sécurité russe Alexandre Bortnikov, ainsi que le ministre de la Justice Alexandre Konovalov.

Mme Freeland s’est engagée à étudier le rapport « avec grand intérêt ».

Le Canada a déjà imposé des sanctions à plusieurs représentants russes et réévalue constamment la situation, a-t-elle ajouté.