Un an presque jour pour jour après avoir été acquitté d'un chef de gangstérisme porté contre lui, le fils cadet du défunt parrain de la mafia montréalaise, Leonardo Rizzuto, est sorti une nouvelle fois triomphant d'un palais de justice cet après-midi, après avoir été acquitté d'accusations de possession d'armes et de cocaïne.

« Tout ce que je peux dire, c'est que je suis content que ce soit fini », a-t-il lancé en souriant, aux journalistes venus entendre la juge Julie Riendeau de la Cour du Québec lire durant près d'une heure une décision étoffée dans laquelle elle n'a pas toujours été tendre envers le travail de l'État et des policiers.

En compagnie d'autres individus, Rizzuto a été arrêté le 19 novembre 2015 dans une importante opération baptisée Magot-Mastiff à l'issue de laquelle la police disait avoir décapité le crime organisé montréalais.

Rizzuto était d'abord accusé de gangstérisme et de complot pour trafic de stupéfiants. Mais en fouillant sa résidence après avoir obtenu un mandat, les policiers ont trouvé chez lui deux armes à feu, dont l'une chargée, et une petite quantité de cocaïne.

En février 2018, un juge l'a acquitté sur les chefs de gangstérisme et de complot, car des conversations captées dans le bureau de l'ancien criminaliste Loris Cavaliere, auxquelles avait pris part Rizzuto, ont été interceptées illégalement selon le magistrat, et écarté de la preuve.

Fort de ce jugement, les avocats de Leonardo Rizzuto dans sa cause de possession d'armes et de cocaïne ont présenté une requête visant à faire casser le mandat de perquisition qui a mené les policiers chez leur client, arguant qu'une fois les conservations captées dans le bureau de Loris Cavaliere écartées, la police n'avait plus de motifs suffisants pour fouiller sa maison.

En revanche, la Poursuite affirmait que le reste de l'écoute, la surveillance policière et des informations de sources laissaient croire que Leonardo Rizzuto était impliqué dans le trafic de stupéfiants, et que la perquisition chez lui était basée sur des motifs suffisants.

Chaque argument examiné

La juge Riendeau a épluché toutes les situations au cours de laquelle Leonardo Rizzuto a été vu (une dizaine de fois) en compagnie des autres suspects de l'enquête Magot-Mastiff et les conversations l'impliquant, et établi que rien ne permettait de conclure qu'il était impliqué dans le trafic de stupéfiants ou qu'il possédait, comme les autres, un appareil permettant d'envoyer et de recevoir des messages encryptés.

Elle a également souligné qu'une seule source policière sur neuf cités dans les affidavits au soutien du mandat de perquisition parle de Leonardo Rizzuto, et que cet informateur n'identifie pas le fils cadet du défunt parrain comme l'un « des décideurs » du crime organisé traditionnel italien.

La juge considère donc insuffisants les motifs qui ont mené à la perquisition chez Leonardo Rizzuto. « La perquisition est considérée comme ayant été exécutée sans mandat », dit-elle.

La magistrate écarte également les objets saisis chez Rizzuto en vertu d'un article de la Charte des droits et liberté et considère que les droits de l'accusé dépassent l'intérêt pour la société que cette affaire soit jugée sur le fond.

« Le souci de la société de faire en sorte que les tribunaux ne paraissent pas cautionner l'inconduite policière et que les droits individuels soient pris au sérieux passe à l'avant-plan lorsque les conséquences subies par ceux dont les droits ont été bafoués sont particulièrement graves », écrit-elle.

Une fois la décision rendue, la procureure de la Poursuite Me Marie-Christine Godbout a annoncé qu'elle n'avait plus de preuve à offrir et a suggéré à la juge d'acquitter Leonardo Rizzuto.

À la sortie de la salle d'audience, elle a toutefois ajouté que le DPCP étudierait le jugement avant de décider d'en appeler ou non de la décision.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à

drenaud@lapresse.ce ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.