La directrice financière du géant chinois de la technologie Huawei a obtenu sa libération conditionnelle en Colombie-Britannique, mardi. Elle devra notamment verser une caution de 10 millions.

Meng Wanzhou, âgée de 46 ans, avait été arrêtée le 1er décembre lors d'une correspondance à Vancouver. Les États-Unis réclament son extradition pour qu'elle réponde à des accusations de fraude liées à des contrats qu'elle aurait conclus avec l'Iran, en violation des sanctions américaines décrétées contre Téhéran.

Le juge William Ehrcke de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accepté mardi de la libérer sous caution, estimant qu'elle ne risquait pas de s'enfuir pendant la suite des procédures.

Le juge a imposé 16 conditions à sa libération, notamment de porter un bracelet électronique pour suivre ses déplacements.

Mme Meng devra aussi remettre ses deux passeports, respecter un couvre-feu de 23 h à 6 h dans l'une de ses deux résidences de Vancouver et demeurer dans la région en tout temps.

Elle devra également débourser une caution de 10 millions, dont 7,5 millions en argent.

Les sympathisants de Mme Meng ont applaudi lorsque le juge a accepté de la libérer.

La dame a été arrêtée en vertu d'un mandat alléguant que Huawei a utilisé sa filiale Skycom pour conclure des affaires avec des entreprises de télécommunications iraniennes de 2009 à 2014, violant ainsi les sanctions américaines.

L'entreprise chinoise a nié les allégations par l'entremise de son avocat, et a promis de se défendre si l'accusée est extradée aux États-Unis.

Après la libération de Mme Meng, Huawei a transmis un communiqué affirmant qu'elle était « certaine que les systèmes de justice du Canada et des États-Unis en viendraient à une conclusion juste ».

« Comme nous l'avons souligné depuis le début, Huawei respecte toutes les lois applicables et les règles des pays et des régions où nous sommes établis, dont le contrôle des exportations et les sanctions des Nations unies, des États-Unis et de l'Union européenne », a ajouté l'entreprise.

L'avocat de la femme d'affaires, David Martin, avait présenté au juge une liste d'amis et d'associés prêts à verser des cautions pour garantir qu'elle ne s'enfuirait pas du Canada.

Le mari de l'accusée mis en cause

Le juge Ehrcke a demandé des garanties supplémentaires après avoir contesté l'admissibilité du mari de Mme Meng, Liu Xiaozong, en tant que garant.

M. Liu s'était engagé à verser un total de 15 millions - la valeur de deux maisons à Vancouver, plus un million en argent comptant - et à rester aux côtés de sa femme pour s'assurer qu'elle se conforme aux conditions imposées par le tribunal.

Le juge Ehrcke a toutefois souligné que M. Liu se trouvait au Canada uniquement en vertu d'un visa de visiteur de six mois et que les garanties financières devaient être fournies par des résidants de la Colombie-Britannique.

John Gibb-Carsley, un procureur fédéral représentant le procureur général du Canada, a demandé au juge de rejeter la demande de libération sous caution de Mme Meng, affirmant qu'elle avait les moyens financiers de s'enfuir et qu'elle n'avait aucun lien avec Vancouver, bien qu'elle possède deux maisons dans la ville.

Me Martin a indiqué que, même si le visa de M. Liu expire en février, il a fait des allers et retours au Canada au cours des 15 dernières années, possède un dossier de conformité et peut demander une prolongation de séjour dans le pays.

« C'est un riche capitaliste, il peut exercer ses fonctions n'importe où », a soutenu Me Martin.

Me Martin a également proposé que sa cliente soit surveillée par une société employant d'anciens policiers et militaires, et par une autre société de surveillance des personnes munies de bracelets électroniques.

Le juge Ehrcke a rappelé que Mme Meng était en détention provisoire et que les États-Unis disposaient de 60 jours pour présenter une demande d'extradition. Elle devra comparaître devant le tribunal le 6 février afin de fixer une date pour la poursuite des procédures.

Huawei est le plus grand fournisseur mondial de matériel de réseau utilisé par les entreprises de téléphonie et de service internet. L'entreprise, fondée en 1987 par le père de Mme Meng, Ren Zhengfei, prévoit des ventes de plus de 102 milliards en 2018, et a déjà dépassé Apple pour les ventes de téléphones intelligents. Huawei compte plus de 170 000 employés et exerce ses activités dans plus de 170 pays.

Deux sociétés distinctes ?

Au premier jour de l'audience sur la mise en liberté sous caution, vendredi dernier, un procureur fédéral canadien a plaidé que Huawei avait utilisé sa filiale Skycom pour conclure des affaires avec des entreprises de télécommunications iraniennes de 2009 à 2014.

Selon John Gibb-Carsley, Mme Meng aurait prétendu, lors d'un entretien à la banque, que Huawei et Skycom étaient des sociétés distinctes, induisant en erreur le dirigeant de l'institution financière et l'exposant à un risque de préjudice financier et de responsabilité pénale.

Aucune de ces allégations n'a été prouvée devant les tribunaux.

Selon Me Martin, la présentation de Mme Meng à un dirigeant de la Banque HSBC en 2013 avait été préparée par de nombreux employés de Huawei. L'entreprise a vendu ses actions dans Skycom avant que les sanctions ne soient entrées en vigueur aux États-Unis sous le président Barack Obama en 2010, a soutenu l'avocat.

Me Martin a également souligné que Mme Meng était auparavant une résidente permanente de Vancouver et que ses enfants avaient fréquenté l'école dans cette ville - elle a donc des liens étroits avec cette communauté.