Étiqueté par la police comme un bras droit du défunt chef de clan de la mafia montréalaise Giuseppe De Vito, Alessandro Sucapane s'est dissocié hier des gestes « politiques » de celui que l'on surnommait Ponytail, mais a réitéré la grande amitié qu'il avait pour ce dernier.

Sucapane, 53 ans, témoignait pour la première fois devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada après avoir purgé plus de la moitié d'une peine de 10 ans prononcée en janvier 2015 pour gangstérisme, trafic de drogue et production de cannabis. Il avait été arrêté l'année précédente dans le cadre d'une importante enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) baptisée Clemenza. Cette enquête visait les clans émergents de la mafia qui tentaient de prendre la place des Rizzuto après que ceux-ci eurent été malmenés lors de l'opération Colisée, menée en novembre 2006.

Giuseppe De Vito a, selon la police, fait partie d'une alliance qui a tenté un putsch contre les Siciliens en 2010 et 2011. Il est mort empoisonné par du cyanure qui avait été versé dans son smoothie, au pénitencier de Donnacona en 2013.

« J'ai connu Joe, nous avions 12 ans. On a fait du sport ensemble. Je sais que plusieurs ne l'aimaient pas, mais pour moi, il était un bon gars. Il a eu une vie très difficile. Ses deux filles sont mortes », a dit Alessandro Sucapane.

« Il ne me mettait pas de pression et me faisait confiance. Il faisait ses choses, je faisais les miennes. Il pouvait faire de la politique de son côté, et moi, je faisais des affaires », a décrit Sucapane, à qui les commissaires aux libérations conditionnelles ont demandé s'il avait peur pour sa vie, étant donné l'assassinat de son ancien associé.

« Au pénitencier de Cowansville, je ne surveillais pas ma nourriture. Je n'ai jamais eu peur dans le passé, je n'ai pas peur aujourd'hui. Je n'ai jamais changé ma routine. Je n'ai jamais fait de la politique, seulement des affaires. Je n'ai jamais eu d'arme à feu, je n'ai même jamais tiré de ma vie », a-t-il dit.

Témoignant avec transparence, Sucapane a raconté qu'il avait été propriétaire de plusieurs cafés et bars, et que c'est en côtoyant des clients impliqués dans le crime qu'il avait commencé à trafiquer de la drogue au début des années 2000, en vendant 50 lb de marijuana. « Ce furent mes premiers 10 000 $ obtenus dans le crime organisé », a-t-il expliqué, ajoutant toutefois qu'il n'avait pas fait beaucoup d'argent avec le trafic.

« Je quittais la maison le matin et je revenais à 16 h. Ma femme et mes enfants ignoraient tout. Cela a été un choc pour eux lorsque je me suis fait arrêter. »

En 2009, Sucapane a été condamné à une peinte de sept ans pour extorsion dans la foulée de l'enquête Colisée. Il était intervenu pour que deux individus, qui avaient importé 100 kg de cocaïne par l'aéroport Montréal-Trudeau à l'insu de Joe De Vito, paient chacun une amende de 200 000 $. « L'un d'eux a travaillé pour moi comme barman durant quatre ans. Je suis allé le voir et je lui ai dit de me dire la vérité. Il a hésité et a tout déballé. Il n'y a pas eu de violence », a décrit Sucapane.

La police et la section du renseignement des Services correctionnels du Canada ne considèrent plus Sucapane comme étant lié à la mafia.

Une fois libéré, ce dernier veut travailler pour un ami, reconstruire les ponts avec sa famille et faire du bénévolat auprès d'un organisme de charité.

Vieille dette

Sucapane dit ne pas avoir de dette. En revanche, il a admis au commissaire qu'un entrepreneur lui devait 125 000 $.

« Une fois libéré, allez-vous le collecter ? », a spontanément demandé le commissaire Michel Lalonde.

« Bien... ça dépend », a répondu Sucapane, une réponse qui a fait sourciller le commissaire et incité ce dernier à interroger longuement l'agente de libération du détenu à ce sujet.

Un peu rassurés, les commissaires ont accepté d'envoyer Sucapane dans une maison de transition pour une première période de six mois. Il devra toutefois éviter toute personne liée à une organisation criminelle, qui trempe dans des activités criminelles ou qui a des antécédents judiciaires.

Il devra également divulguer toutes ses transactions financières, y compris, le cas échéant, les sommes provenant de la personne qui lui doit 125 000 $...

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