Les jurés ont amorcé leurs délibérations mardi au procès de Véronique Manceaux sans savoir que des parties importantes de la preuve ont été exclues par le juge en raison d’une perquisition illégale et d’une enquêteuse vulgaire et agressive. Le jury ignore donc que Jimmy Méthot a été retrouvé poignardé dans un baril.

Après un mois de procès, un témoin clé hostile et des versions contradictoires, la tâche s’annonce difficile pour les jurés au procès de Véronique Manceaux, accusée de meurtre au premier degré et d’outrage à un cadavre. Aussitôt séquestré mardi, le jury a d’ailleurs demandé de réécouter des témoignages importants.

Les verdicts possibles sont nombreux : meurtre au premier degré, meurtre au second degré, homicide involontaire et acquittement. Les jurés devront rendre un verdict unanime. Les zones d’ombre sont nombreuses dans cette affaire. Le rôle des trois autres personnes impliquées – la copine de Méthot, un adolescent de 17 ans et un criminel de carrière – demeure nébuleux.

Selon la Couronne, Véronique Manceaux a battu à mort Jimmy Méthot avec l’aide d’un adolescent de 17 ans, alors qu’elle le séquestrait chez elle en septembre 2021. Manceaux accusait Méthot d’être un espion pour son ex-conjoint. La Couronne soutient que le meurtre était prémédité et dans un contexte de séquestration.

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Jimmy Méthot

Aux yeux de la défense, la preuve ne démontre pas que Véronique Manceaux a tué, ou même attaqué Jimmy Méthot. L’adolescent de 17 ans – déjà reconnu coupable de meurtre – et son mentor Everett Roger Clayton, un criminel aux antécédents de violence, sont sûrement les véritables coupables, soumet la défense.

La preuve de la Couronne repose sur les témoignages de deux personnes : la copine de Méthot, qui était sous l’effet de l’alcool et de la drogue pendant le meurtre, et qui est en attente de procès. L’autre témoin clé, l’adolescent, a refusé de témoigner au procès, se bornant à dire qu’il ne se souvenait de rien. Bref, deux témoins non crédibles et non fiables, selon la défense.

Il n’y avait pas d’urgence, selon le juge

Pour ajouter à ce casse-tête, les jurés ignorent ce qui est advenu du corps de Jimmy Méthot, une fois transporté dans le garage. Le rapport d’autopsie et toute la preuve découverte par la police ont été jugés inadmissibles en preuve par le juge Daniel Royer. Ce jugement rendu avant le procès peut être dévoilé maintenant que le jury est séquestré.

Essentiellement, le juge Royer reproche aux policiers d’avoir mené la perquisition dans la résidence de Véronique Manceaux sans mandat. Les policiers soutenaient être intervenus en urgence, puisque Jimmy Méthot pouvait être encore vivant. Une femme avait contacté le poste de police trois ou quatre jours après le meurtre en évoquant un corps au sous-sol.

Selon le juge, il ne s’agissait pas d’un appel au 911 nécessitant un besoin d’aide immédiate. La femme a décrit aux policiers un crime qui n’était plus en cours. Personne n’était en difficulté. Le juge rappelle qu’une fouille sans mandat dans une maison est permise seulement pour prévenir une situation « imminente » pour la sécurité ou la vie d’une personne.

« Le devoir qui incombe aux policiers de protéger la vie ne leur donne pas carte blanche pour entrer dans une maison d’habitation », rappelle le juge Royer.

Quand les policiers sont arrivés, ils ont saisi Véronique Manceaux et l’ont fouillée. Selon le juge Royer, la femme a été détenue illégalement. Son droit à l’avocat a aussi été bafoué. Le juge décrit une manifestation « systémique de l’absence de considération sur les droits constitutionnels des personnes en détention ».

En entrant dans le garage, les policiers ont tout de suite senti l’odeur d’eau de Javel. Ils ont vite repéré le corps de Jimmy Méthot dans un baril.

Le juge a exclu de la preuve des pans de l’interrogatoire de Véronique Manceaux après son arrestation en raison du comportement de l’enquêteuse. L’accusée était dans un état « précaire » : elle grelottait, n’avait pas ses médicaments pour ses problèmes de santé mentale et n’avait pas de sous-vêtements malgré d’intenses douleurs menstruelles.

Or, l’enquêteuse Christina Vlachos a fait preuve « d’agressivité accrue » en traitant l’accusée de « monstre », « de tueuse de sang-froid qui aime torturer les gens » et de « menteuse » en multipliant le langage vulgaire. Le juge Royer évoque un climat « d’oppression », alors que l’enquêteuse ignore les douleurs de l’accusée, couchée en partie sur le bureau.

Quand Véronique Manceaux a revendiqué à sept reprises son droit au silence, l’enquêteuse lui a répondu que de « ne rien dire veut tout dire ». La policière a aussi ignoré la demande polie de l’accusée d’aller aux toilettes.

MJasmine Guillaume et MMarie-Claude Bourassa représentent le ministère public, alors MCarl Devost Fortin et MFanie Lacroix défendent l’accusée.