La mort des deux pompiers emportés par les eaux en mai dernier, alors qu’ils tentaient d’aider des résidants aux prises avec les inondations à Saint-Urbain, a été causée par l’utilisation inappropriée d’un véhicule amphibie ainsi qu’une absence de planification et un manque de formation.

C’est ce qu’a tranché jeudi la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), dans un rapport qui était très attendu.

Selon l’organisme, quatre causes sont à l’origine de cet accident, dont « l’utilisation inappropriée d’un véhicule amphibie muni de chenilles et d’un moteur hors-bord, dans un champ inondé présentant des courants », ce qui a ultimement mené à la dérive du véhicule.

Par ailleurs, « l’absence de planification des mesures de prévention pour gérer les situations d’inondation a mené à une gestion déficiente de l’intervention, ce qui a provoqué la noyade de deux pompiers », affirme la commission.

En mai dernier, les pompiers Christopher Lavoie et Régis Lavoie avaient été emportés par les eaux de la rivière du Gouffre alors qu’ils tentaient d’aider des citoyens aux prises avec les inondations à Saint-Urbain, petite localité située à une demi-heure au nord de la ville de Baie-Saint-Paul. Elle était alors coupée en deux à la suite d’une crue historique qui avait isolé près d’un millier de personnes.

« Il adorait ce métier-là. […] Je comprends l’adrénaline de mon fils, mais à quel point a-t-il été influencé dans ces décisions ? Qui va aller prendre la responsabilité de tout ça ? », s’était par la suite interrogé Davy Lavoie, le père de Christopher Lavoie, en entrevue avec La Presse.

Formation déficiente

Dans son rapport, la CNESST pointe également « l’absence de formation pour effectuer des travaux à proximité et au-dessus de l’eau », une situation qui a « exposé les pompiers à un danger de noyade alors qu’ils ne disposaient pas des compétences, des connaissances et des équipements nécessaires ».

« Les pompiers ont été emportés et submergés après que leur véhicule amphibie se soit retrouvé coincé contre un arbre, par le courant, alors qu’ils se dirigeaient vers une résidence pour effectuer une intervention de secours », explique l’organisme.

Ce dernier dit avoir interdit toute activité à proximité de l’eau par des pompiers ne détenant pas les équipements et la formation appropriés. L’employeur devra apporter des correctifs en matière de formation, de planification et d’équipements avant que cela ne soit permis à nouveau.

Pour André Bourassa, vice-président par intérim de la Fédération québécoise des intervenants en sécurité incendie, « il est évident qu’il y aura beaucoup de leçons à tirer de tout ça, comme il y en a toujours, d’ailleurs, après des accidents ».

« On ne veut plus qu’une pareille situation se reproduise. Maintenant, il y aura l’enquête du coroner qui va débuter bientôt, donc on aura réellement l’ensemble du portrait après tout le processus », ajoute M. Bourassa.

Une tonne de recommandations

De nombreuses recommandations sont formulées par la CNESST. Au ministère de la Sécurité publique, elle suggère d’élaborer des orientations pour outiller les villes dans la création de schémas de sécurité civile en cas de sinistres majeurs et de s’assurer de l’application du plan municipal de sécurité civile, par des mécanismes de suivi clairs et établis.

On propose par ailleurs à l’École nationale des pompiers du Québec « d’aborder les interventions à proximité de l’eau dans les cursus de formation obligatoires en sécurité incendie » ou encore de développer une formation spécifique aux interventions survenant dans un contexte d’inondation. Le ministère de l’Éducation est d’ailleurs invité à faire de même pour le diplôme d’études professionnelles en sécurité incendie.

L’Union des municipalités du Québec, la Fédération québécoise des municipalités et l’Association des chefs en sécurité incendie du Québec devraient quant à elles faire davantage de sensibilisation auprès de leurs membres et des municipalités, soutient la CNESST.

« Pour prévenir les accidents lors d’interventions sur ou à proximité de l’eau, les municipalités doivent s’assurer que leurs pompiers détiennent la formation et les équipements nécessaires pour intervenir de manière sécuritaire, selon les risques identifiés », avance-t-elle aussi.

Le printemps dernier, plusieurs observateurs avaient aussi clairement évoqué le manque de formation des pompiers en situation de grandes inondations. En point de presse, le premier ministre François Legault n’avait d’ailleurs pas exclu de revoir la formation des pompiers. « Il faut se poser des questions et nous allons faire les analyses nécessaires », avait-il brièvement expliqué, sans s’avancer davantage.