Un homme de 77 ans qui s’est adressé au tribunal des petites créances pour se faire rembourser une partie des 20 000 $ qu’il avait prêtés à une ancienne escorte en échange de services sexuels ne reverra pas la couleur de son argent, ni en espèces ni en nature.

Ce qu’il faut savoir

La division des petites créances de la Cour du Québec a été saisie en novembre d’une cause impliquant une série de prêts totalisant plus de 20 000 $ entre un homme et une ancienne escorte dont il utilisait les services.

Une des clauses du contrat prévoyait des remboursements « en nature », à raison de 200 $ le rendez-vous.

La cour vient de rejeter la réclamation de l’homme, mais a refusé de se prononcer spécifiquement sur les faveurs sexuelles prévues au contrat.

« Ce recours s’inscrit dans un contexte relationnel chargé de souffrance et de tristesse », souligne la juge Sophie Lapierre, dans sa décision de 17 pages qui rejette la réclamation de l’homme.

En novembre, ce dernier, client régulier de la travailleuse du sexe pendant plus de deux ans, s’était adressé au tribunal pour récupérer 15 000 $ (le maximum aux petites créances) sur les 20 000 $ qu’il avait prêtés à la femme pour l’aider à se sortir de sa situation.

L’escorte, qui travaillait à l’époque sous le nom de « Léonie », a signé des contrats en bonne et due forme par lesquels elle s’engageait à rembourser 487 $ par mois à l’homme. Devant son incapacité à payer son dû, une « clause nuit de rêve » a fini par être été ajoutée au contrat, en vertu de laquelle l’homme déduisait 200 $ de la créance à chaque rencontre intime à caractère sexuel avec la femme.

« Léonie » a plaidé devant la cour que cette annexe rendait le contrat « nul de nullité absolue » parce qu’il s’agissait d’avances sur des services sexuels de nature criminelle et contraires à l’ordre public.

« Son but était de la revoir », dit la juge

La juge Lapierre a jugé « inutile » de déterminer si les prêts « consentis en contrepartie de faveurs sexuelles » étaient « contraires à l’ordre public », puisque l’homme avait de son propre chef « libéré entièrement » l’escorte de sa dette en lui signant une quittance quelques mois avant le procès.

L’homme affirmait avoir signé la quittance sous la contrainte, de crainte que l’escorte ne se suicide s’il n’effaçait pas la dette. Il disait avoir été victime de « maltraitance financière et psychologique » par une amie de l’escorte qui lui aurait évoqué les menaces de suicide de « Léonie ».

La juge n’y a pas cru, estimant en se basant sur de nombreux échanges de textos que l’homme a plutôt agi de la sorte de crainte de « perdre l’amitié » de l’escorte après qu’elle eut exprimé son désir de couper complètement le lien avec lui.

Juste avant de signer la quittance, il l’a menacée de poursuite en lui envoyant une mise en demeure. « Son but était de la revoir, de provoquer sa réaction pour l’obliger à le rencontrer », conclut la magistrate, en rejetant la poursuite.

Le jugement survient quelques mois après que la Cour des petites créances de Nouvelle-Écosse a ordonné à un homme de verser 1800 $ à une travailleuse du sexe pour des services sexuels qu’il n’avait pas payés. Cette décision est considérée comme une première dans le système de justice canadien.