L’entreprise montréalaise derrière le site Pornhub s’est entendue avec la justice américaine pour éviter un procès criminel jeudi. Elle a reconnu s’être enrichie avec les fruits de la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle. Elle devra payer 1,85 million en pénalité aux autorités en plus de dédommager les victimes.

Ce qu’il faut savoir

  • En 2019, des accusations criminelles ont été portées contre des producteurs pornos, car ils auraient utilisé la force, la contrainte et la fraude afin de recruter des femmes pour leurs tournages.
  • En novembre dernier, un document judiciaire a révélé que le FBI avait mené une enquête criminelle sur les propriétaires de Pornhub, qui s’étaient enrichis en diffusant les vidéos produites en exploitant ces femmes.
  • La société montréalaise qui détient le site a négocié un accord pour payer une pénalité sans être accusée au criminel.

L’entreprise Aylo (autrefois MindGeek) avait entamé des négociations avec les procureurs fédéraux des États-Unis à la suite d’une enquête criminelle du FBI sur ses dirigeants, dont l’existence a été révélée publiquement pour la première fois en novembre.

La procédure retenue est celle de l’accord de poursuite suspendue (APS), qui permet à une entreprise de reconnaître ses torts, d’exposer les faits et de payer une pénalité, mais d’éviter une condamnation criminelle. Pour engager cette procédure, le FBI doit être convaincu d’avoir déjà en main les éléments de preuve qui auraient été nécessaires pour porter des accusations.

Non consensuel

Au terme de son enquête, le FBI avait déterminé que l’entreprise avait perçu de l’argent d’une entreprise de vidéos pornographiques appelée GirlsDoPorn. Or, plusieurs femmes ont dit que les vidéos en question étaient diffusées sans leur consentement. Certaines avaient même reçu l’assurance que les vidéos ne seraient pas rendues accessibles sur une plateforme publique avant d’accepter d’être filmées.

Une plaignante a même déclaré qu’à l’âge de 18 ans, elle avait été droguée puis violée devant la caméra par l’équipe de cette société de production. Sa vidéo avait abondamment circulé sur les plateformes d’Aylo/MindGeek, au point que la femme se faisait reconnaître par des étrangers dans la rue, en plus d’être pourchassée « à toute heure du jour et de la nuit » par des hommes obsédés.

Lors d’une audience devant une juge à Brooklyn jeudi, le géant montréalais de la pornographie a reconnu avoir parfois refusé de retirer de ses plateformes les vidéos des victimes qui le demandaient.

Sous surveillance

« Motivée par le profit, Aylo s’est enrichie en connaissance de cause, en fermant les yeux sur les préoccupations des victimes qui expliquaient à la société qu’elles avaient été trompées et contraintes de participer à des activités sexuelles illicites », a déclaré un haut responsable du FBI, James Smith, dans un communiqué.

« J’espère que les procédures d’aujourd’hui apporteront un sentiment de justice aux victimes dans ce dossier et qu’elles pourront aller de l’avant avec leur vie », a-t-il ajouté.

Les dédommagements qui seront versés par l’entreprise aux victimes seront déterminés au cas par cas, mais ils ne pourront en aucun cas être inférieurs à 3000 $, précise le document de l’entente déposé à la cour.

Aylo a aussi accepté de se soumettre à la surveillance d’un contrôleur indépendant qui aura l’œil sur ses protocoles de sécurité pendant trois ans.