Justine* voulait se suicider en avril 2021. Heureusement, elle a changé d’avis quand son bourreau, Koceila Louali, a été finalement arrêté ce mois-là. Des femmes parfois brisées, mais pleines de courage, ont témoigné vendredi pour partager leur vécu sur les crimes odieux de Maître K, qui risque 12 ans de pénitencier.

« C’est un achèvement aujourd’hui. Mais j’ai tellement de conséquences psychologiques et physiques. Je ne suis pas sûre que je vais pouvoir reprendre une vie normale », a confié à la cour Justine. Dans la salle d’audience bondée du palais de justice de Montréal, les larmes coulaient sur toutes les joues. Koceila Louali, lui, était imperturbable à cette détresse.

« Il est dangereux et il trouve des moyens de profiter des femmes à son avantage. Il est misogyne et pour lui, les femmes ne sont pas un égal. On est faites pour être utilisées. J’ai peur pour toutes les femmes qui croiseront son chemin », a partagé Zoé*, une autre victime.

Zoé tenait à prendre la parole pour défendre la place des travailleuses du sexe, trop souvent « déshumanisées » par la société, à son avis. « Je suis blessée du stigmate de la société. On sent qu’on n’a pas accès à la justice », a-t-elle lancé, en louangeant cependant les enquêteuses au dossier.

« J’étais devenue une marchandise. Koceila Louali est un excellent manipulateur », a témoigné Lucie*, qui a souffert de dépression et d’anxiété.

Le proxénète et pédophile Koceila Louali a brisé la vie de nombreuses femmes. C’est d’ailleurs grâce au courage de 21 femmes, qui l’ont dénoncé sur le web, que ce prédateur a cessé de sévir. Il a plaidé coupable, en août dernier, à de nombreux chefs d’accusation.

Pendant des années, Maître K a régné sur un côté sombre de l’industrie du sexe. Son histoire est digne d’un polar ou d’un film hollywoodien. Devenu pratiquement aveugle, il a mis une croix sur sa carrière de recherchiste à Radio-Canada dans les années 2000 pour fonder deux agences de services sexuels.

Sa première agence, le club privé libertin Le Rubicon, était spécialisée dans les « gang-bangs ». Koceila Louali en organisait environ trois par semaine. Certaines grandes orgies « romaines » accueillaient jusqu’à 150 hommes. Une poignée de femmes étaient jetées à la pâture. Souvent, elles ignoraient l’ampleur de l’évènement.

Sa seconde agence, Carte Blanche, se spécialisait dans les « fantasmes sur mesure », menant à des pratiques sexuelles extrêmes, dont certaines que très peu de travailleuses du sexe acceptent de faire. On a appris à l’enquête sur la mise en liberté que Louali soumettait des femmes à des pratiques sexuelles extrêmement dégradantes.

Koceila Louali est allé plus loin dans sa perversion : il a commis des gestes sexuels envers une fillette de 7 ans, livrée par sa mère – qui a été condamnée à six ans de prison. Dans une relation consentante de domination, Koceila Louali traitait la mère comme une esclave, le tout devant l’enfant.

Les avocats ont présenté une suggestion commune de 12 ans de pénitencier. Toutefois, les parties débattent toujours sur la question du temps écoulé en détention préventive. Une audience est prévue fin décembre à ce sujet.

MDelphine Mauger représente le ministère public, alors que MGiuseppe Battista et MLaurence Juillet défendent l’accusé.

*Prénoms fictifs pour protéger l’identité des victimes

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