Un an et demi après que Frédérick Silva eut commencé à collaborer avec la police, les révélations de cet ancien tueur à gages du crime organisé montréalais très actif durant plusieurs années se sont traduites par une première opération d’importance cette semaine.

Mercredi et jeudi matin, les enquêteurs des Crimes majeurs et de la Division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal, et leurs collègues des Crimes contre la personne de la Sûreté du Québec, ont effectué une douzaine de perquisitions à Laval, Rosemère, Mirabel, Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, Vaudreuil-Dorion et dans les arrondissements Anjou, Lachine et Montréal-Nord, à Montréal, viennent d’annoncer ces deux corps de police par voie de communiqué.

L’annonce de la police indique que le but de l’opération est d’élucider plusieurs meurtres commis entre le milieu des années 1990 et aujourd’hui, au sein du crime organisé, et dont certains se sont soldés par des erreurs sur la personne.

La police ne précise pas que les perquisitions effectuées ces derniers jours découlent des informations fournies par Frédérick Silva depuis 18 mois, mais tout indique qu’il s’agit de la première phase d’importance de cette enquête conjointe majeure que le milieu criminel montréalais appréhende depuis longtemps.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Frédérick Silva

Autrefois tueur à gages à l’emploi du clan sicilien de la mafia montréalaise et contractuel pour d’autres factions du crime organisé, Frédérick Silva a retourné sa veste à l’été 2022, après avoir été déclaré coupable des meurtres de trois personnes, dont deux reliées au crime organisé, commis en 2018.

Selon nos informations, ses révélations faites aux enquêteurs des deux corps de police pourraient permettre d’élucider une soixantaine de meurtres et de tentatives de meurtre.

Des acteurs importants visés

D’après nos renseignements, parmi les personnes visitées par les policiers mercredi et jeudi, on retrouve Pietro D’Adamo et Vito Salvaggio, que la police considère comme deux acteurs importants de la mafia, et le chef de gang Jean-Philippe Célestin.

Ce dernier était le bras droit de Gregory Woolley, assassiné à Saint-Jean-sur-Richelieu le 17 novembre, et était présent à l’inhumation de celui-ci en fin de semaine dernière.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Philippe Célestin (à gauche) début décembre lors de l’exposition du corps du défunt chef de gang Gregory Woolley.

Célestin a plusieurs antécédents criminels. En 2017, il a été condamné à 70 mois d’emprisonnement pour gangstérisme, complot, possession de cocaïne dans un but de trafic, trafic de cocaïne et complot pour trafic d’argent.

Allié du clan sicilien de la mafia montréalaise, Pietro D’Adamo a été condamné à huit ans de pénitencier dans la foulée d’un complot d’importation de 1300 kilogrammes de cocaïne éventé durant l’enquête Colisée, par laquelle la Gendarmerie royale du Canada a décapité le clan Rizzuto en 2006.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Pietro D’Adamo

Quant à Vito Salvaggio, il est considéré par la police comme l’un des décideurs du clan sicilien de la mafia montréalaise.

Au début des années 2000, dans le cadre d’une enquête baptisée Océan, il avait été observé à deux reprises se rendre dans une cache d’argent contrôlée par les Hells Angels sur la rue Beaubien, où il aurait livré des sommes totalisant 2,5 millions. Il a ensuite été condamné à une peine de quatre ans pour importation de stupéfiants et trafic.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Vito Salvaggio photographié par les policiers durant l’enquête Magot-Mastiff qui s’est déroulée entre 2013 et 2015.

Vendredi dernier, D’Adamo et Salvaggio ont également été observés par les policiers au Complexe funéraire Loreto, où était exposé la dépouille de Gregory Woolley.

Tués par erreur

Les perquisitions de cette semaine sont réalisées dans le cadre de plusieurs enquêtes de meurtres, dont trois constituent des erreurs sur la personne, souligne la police dans son communiqué.

Le premier est le meurtre de Domenico Facchini, tué par balles dans un café du boulevard Provencher, le Domenica-In, le 21 décembre 2012. Déjà à l’époque, La Presse indiquait que l’attaque visait probablement Giuseppe De Vito, un chef de clan rebelle qui a participé à une tentative de putsch contre les Rizzuto entre 2009 et 2011. De Vito – qui est mort empoisonné au cyanure au pénitencier l’année suivante – fréquentait cet endroit, ainsi que son associé, Alessandro Sucapane.

Le second meurtre est celui de Lida Phon, 32 ans, tuée dans sa voiture, alors qu’elle entrait dans le garage de sa résidence de Laval en août 2012. Mme Phon était la conjointe de Ziad Ziade, un individu que la police relie au crime organisé libanais et qui, selon les enquêteurs, aurait été la personne visée ce soir-là.

Enfin, le 3meurtre pour lequel la victime aurait été tuée par erreur est celui de Nicolas Lavoie-Cloutier, un jeune homme de 18 ans, abattu en pleine rue, à Terrebonne, en juin 2018.

Déjà à l’époque, ses parents disaient ne pas croire que leur fils était la personne qui était ciblée.

En juillet dernier, les enquêteurs du SPVM ont perquisitionné la maison du cochef du clan des Siciliens, Stefano Sollecito, à Blainville, dans le cadre de cette grande enquête baptisée Alliance et bâtie autour des révélations de Frédérick Silva.

En septembre, toujours dans le cadre de cette enquête conjointe, c’était au tour des enquêteurs de la SQ de mener des recherches dans la baie Carillon à Saint-André-d’Argenteuil, dans les Laurentides, pour tenter de trouver les restes de Jean Raymond Claude, un ancien membre de gang disparu en 2015.

Mais l’opération de cette semaine est beaucoup plus importante et laisse entrevoir d’autres frappes à venir.

Avec la collaboration de Mayssa Ferah, La Presse

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