Trois personnes ont été retrouvées inconscientes vendredi dans un bâtiment désaffecté du quartier Centre-Sud, à Montréal, vraisemblablement en lien avec des surdoses aux opioïdes. L’évènement met de nouveau en relief la gravité que prend cette crise de santé publique dans la métropole et ailleurs au pays.

C’est l’employé de l’entreprise possédant l’immeuble, une ancienne savonnerie maintenant placardée, qui a contacté les autorités après avoir fait la découverte de trois personnes inconscientes et intoxiquées.

Urgences-Santé affirme être intervenu aux alentours de 9 h, sur la rue de Lorimier non loin du boulevard de Maisonneuve, à proximité du parc des Faubourgs.

Sur place, deux personnes itinérantes ont eu besoin d’une assistance immédiate et surtout d’une dose de naloxone, un médicament qui renverse temporairement les effets d’une surdose d’opioïdes. L’autre usager se trouvait de son côté dans un meilleur état. Il a été en mesure de quitter les lieux par lui-même, sans avoir besoin d’une intervention ou d’un transport vers l’hôpital.

« Aucun transport en centre hospitalier n’a donc été nécessaire », puisque les deux usagers ayant nécessité une intervention ont signé un refus de déplacement en ambulance, a indiqué un porte-parole d’Urgences-Santé, Jean-François Charest.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est aussi intervenu pour assister les ambulanciers dans leur travail. Selon le corps policier, des appels liés aux surdoses ou aux opioïdes sont faits au 911 sur une base régulière, voire quotidienne, surtout dans le centre-ville de Montréal.

D’après les plus récentes données d’Urgences-Santé, qui dessert les territoires de Montréal et de Laval, 242 interventions avec administration de naloxone ont été tenues en 2023 en date de septembre dernier, soit durant les neuf premiers mois de l’année. En 2022, ce chiffre avait été de 291 pour toute l’année. Annuellement, la hausse est considérable d’année en année ; on comptait 146 évènements incluant de la naloxone en 2019, puis 194 en 2020 et 280 en 2021.

À noter : ces données excluent l’administration par les premiers répondants et par les premiers intervenants comme, par exemple, les employés des centres d’injection.

Craintes d’un « revers tragique »

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on se dit également très préoccupés. « On le répète, la crise des surdoses et des opiacés doit être traitée comme une crise de santé publique. Les experts disent que la solution passe entre autres par la décriminalisation de la possession de drogue, par du soutien aux ressources communautaires, par des tests de qualité de drogue et aux services de consommation supervisée », affirme l’attaché de presse, Simon Charron.

Concernant le bâtiment, un projet immobilier est déjà prévu, dit la Ville. « D’ici là, nos équipes demeurent en lien avec le propriétaire, qui offre son entière collaboration, et les bonnes ressources pour assurer la vigie et la sécurisation du bâtiment et les interventions sociales nécessaires au besoin », ajoute M. Charron, en rappelant qu’une équipe de prévention du Service des incendies devait retourner sur les lieux vendredi.

En septembre dernier, la Santé publique de Montréal avait déjà déclenché une enquête sur de nombreuses surdoses potentiellement liées au fentanyl au centre-ville.

À ce moment, neuf personnes, dont sept sans-abri autochtones, avaient été transportées à l’hôpital pour des surdoses. « La communauté est dévastée », avait avancé la directrice générale de Projets Autochtones du Québec (PAQ), Heather Johnston. « On a des intervenants qui ont dû retourner à la maison, tout le monde est traumatisé », avait-elle ajouté, visiblement sous le choc.

Il y a quelques semaines, à la fin octobre, l’Institut national de la santé publique (INSPQ) avait aussi prévenu Québec n’est « pas à l’abri d’un revers tragique » dans la crise des opioïdes, même si sa situation est moins alarmante qu’ailleurs au pays.

Une analyse coordonnée par l’INSPQ et les directions régionales de santé publique, menée auprès de plus d’un millier d’utilisateurs de drogues au Québec, avait alors « révélé la présence dans l’urine d’un opioïde chez 27 % des 655 participants de l’étude en 2021 et chez 24 % des 1068 participants en 2022 ».

Selon l’Institut, le taux de mortalité par opioïdes « est moindre au Québec que la moyenne des provinces canadiennes », mais il augmente tout de même de façon constante. En fait, leur nombre a plus que triplé entre 2000 et 2020, passant d’un peu moins de 100 à plus de 300 durant cette période.

Présentement, on recense en moyenne une quinzaine d’hospitalisations liées aux opioïdes par semaine au Québec. Sur une base annuelle, cela représente entre 700 et 800 hospitalisations.

L’Ontario est la province où le nombre de décès liés à une intoxication aux opioïdes est le plus élevé au Canada, avec environ 2500 en 2022. Toutes proportions gardées, cela donne toutefois un taux d’environ 16,6 décès par tranche de 100 000 habitants, ce qui est bon pour le quatrième rang derrière la Colombie-Britannique (44), l’Alberta (33) et la Saskatchewan (19,7).

Avec 541 décès liés à ce phénomène l’an dernier, le Québec est encore néanmoins loin derrière ce classement, avec un taux de 6,2 décès par tranche de 100 000 habitants.