Deux écoles juives ont été visées par des coups de feu à Montréal dans la nuit de mercredi à jeudi, dans un contexte de tensions grandissantes en lien avec le conflit entre Israël et le Hamas. Un évènement dénoncé avec fermeté par des représentants de la communauté juive de Montréal qui s’inquiètent de la montée des discours haineux.

Les deux établissements, Azrieli Talmud Torah et Yeshiva Gedola, sont situés dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Des impacts de balle et une douille ont été découverts à l’école Azrieli Talmud Torah vers 8 h 20, tandis qu’un impact de balle a été trouvé à l’école Yeshiva Gedola vers 8 h 50.

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L’école Azrieli Talmud Torah

Ce sont des employés des écoles qui ont remarqué les dommages aux bâtiments à leur arrivée au travail jeudi matin, a précisé le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Dans les deux cas, le SPVM a établi des périmètres de sécurité et a dépêché sur place des enquêteurs et des techniciens en identité judiciaire afin d’éclaircir les circonstances des évènements. Une enquête a été ouverte et des images de caméras de surveillance devaient être visionnées, a fait savoir le SPVM.

Des maîtres-chiens étaient à l’œuvre pour retrouver des traces des projectiles, tandis que les élèves regardaient la scène par les fenêtres à l’école Yeshiva Gedola.

« Ils veulent nous faire peur »

À cet endroit, le tir d’au moins un projectile ne semblait pas avoir réveillé les voisins de l’école. « D’abord, j’ai cru qu’il y avait peut-être un message [haineux écrit sur l’école], je ne savais pas qu’ils avaient tiré », a confié l’un d’eux, Harry Abelston, en affirmant que l’établissement avait déjà été la cible de graffitis antisémites par le passé.

« Ça fait vraiment peur parce que toute notre vie, on grandit en apprenant l’histoire, ce qui est arrivé aux Juifs, l’Holocauste. On se dit : c’est du passé, ça ne peut plus arriver. Mais même chez nous, ici à Montréal, là où j’ai grandi, ça arrive », a témoigné un élève de l’école Yeshiva Gedola, David Oliel, exemplaire de la Torah sous le bras.

C’est un acte terroriste, mais ce n’est pas quelque chose qui va nous faire abandonner, parce que ça nous arrive toujours, à nous, les Juifs.

David Oliel, élève de l’école Yeshiva Gedola

Les deux établissements ont accueilli les enfants jeudi, comme à l’habitude, avant que le personnel ne remarque les traces des projectiles. En fin de matinée, de nombreux parents passaient en voiture devant l’école Azrieli Talmud Torah, certains pour récupérer leurs enfants.

« Ils veulent nous faire peur. Qu’est-ce que ça va être demain, après-demain ? », a commenté un père qui préférait rester anonyme.

Arrivé sur place peu de temps après avoir eu vent de ce qui s’était passé, le rabbin Henry Topas, dont la synagogue a été la cible d’un cocktail Molotov mardi, appelle à l’aide les politiciens.

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Impact de balle découvert à l’école Azrieli Talmud Torah

« La police, ils sont spectaculaires, on est ravis de leurs efforts, mais ça prend des paroles claires et brutes des politiciens [pour dire] qu’on est un pays où les gens vivent en paix. »

Le SPVM a indiqué en milieu d’après-midi que les périmètres de sécurité avaient été levés et qu’une voiture de patrouille resterait présente aux deux endroits pour rassurer les parents à la sortie des classes. Aucune arrestation n’avait encore été effectuée à ce moment.

Sept personnes ont par ailleurs été arrêtées jeudi par la police montréalaise lors d’un « sit-in » pro-palestinien réclamant un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas tenu au bureau de circonscription du premier ministre Justin Trudeau, dans le quartier Villeray au nord de Montréal.

L’activité avait été organisée à l’initiative de la section montréalaise du Mouvement palestinien de la jeunesse (MPJ), qui avait invité ses membres à se déplacer pour afficher leur solidarité avec la Palestine via sa page Instagram, notamment.

Appel à l’action

La multiplication des évènements et des crimes antisémites à Montréal soulève l’indignation des Québécois juifs, qui demandent aux autorités d’interdire les discours haineux prononcés dans des manifestations dans la métropole.

« La rue à Montréal, au Québec, ne devrait pas être un lieu où la haine est propagée », a dit Eta Yudin, vice-présidente du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA Québec), en point de presse jeudi.

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Yair Szlak, président de la Fédération CJA, et Eta Yudin, vice-présidente du CIJA, en conférence de presse, jeudi

Mme Yudin a souligné que c’était la deuxième fois cette semaine que les représentants de la communauté juive montréalaise convoquaient un point de presse d’urgence pour dénoncer des évènements et des crimes antisémites.

C’est clair pour tous : les mots mènent à des actes de violence, et il faut dénoncer les mots comme les actes de violence. Les Québécois juifs sont implantés dans la communauté depuis plus de 250 ans. Aujourd’hui, nous le disons : notre ville est en crise.

Eta Yudin, vice-présidente du Centre consultatif des relations juives et israéliennes

Yair Szlak, président de la Fédération CJA, a quant à lui dénoncé le fait que des balles avaient été tirées sur deux écoles juives dans la nuit de mercredi à jeudi à Montréal.

« On a appris dans les médias que 49 incidents antisémites avaient été enregistrés à Montréal durant l’année 2022, et que, seulement depuis le 7 octobre, on avait enregistré 79 incidents antisémites à Montréal. C’est hors de contrôle. Nos téléphones débordent de messages de parents inquiets. C’est inacceptable de vivre comme ça. »

M. Szlak a salué l’intervention rapide de François Legault et de Justin Trudeau, qui ont condamné les évènements antisémites. « Nous sommes en contact avec plusieurs ministres au fédéral et au provincial, de même qu’avec le directeur du SPVM. Nous apprécions le sérieux avec lequel ils se sont saisis du dossier. Montréal est l’un des meilleurs endroits au monde pour la communauté juive, et on demande aux gens de tout faire en leur pouvoir pour que ça le reste. »

Le Forum musulman canadien a également condamné « avec la plus grande fermeté les incidents signalés contre deux écoles juives à Montréal » sur les réseaux sociaux, tout en appelant « au calme et à la paix ». L’organisme a également joint sa voix à ses homologues de la communauté juive pour demander « une enquête rapide » sur ces évènements.