L’homme suspecté d’avoir allumé l’incendie qui a fait sept morts dans le Vieux-Montréal en mars dernier est Denis Bégin, un homme au lourd passé judiciaire surnommé « le tueur de l’Halloween » et qui a été qualifié deux fois de psychopathe par un psychologue, a appris La Presse. Il était en cavale au moment du drame, à la suite de son évasion d’un pénitencier à sécurité minimum.

L’histoire jusqu’ici

16 mars

Un incendie d’une rare intensité éclate dans un immeuble patrimonial du Vieux-Montréal, faisant sept morts et neuf blessés.

29 août

La police de Montréal confirme que selon ses expertises, l’incendie est de nature criminelle.

25 octobre

La Presse révèle que le principal suspect dans cette affaire est déjà détenu, mais pour un autre crime, alors que l’enquête se poursuit.

Bégin, 63 ans, est toujours sous le coup d’une peine d’emprisonnement à vie pour avoir tué à coup de fusil un jeune homme le 31 octobre 1993, alors qu’il portait un masque de gardien de but comme le personnage de Jason, dans la série de films d’horreur Vendredi 13. La mise en scène macabre, survenue dans un bar montréalais devant plusieurs fêtards réunis pour l’Halloween, lui avait valu son surnom.

Derrière les barreaux, Denis Bégin a planifié plusieurs fois son évasion, selon la Commission des libérations conditionnelles. Plusieurs plans ont été découverts par les autorités carcérales jusqu’en 2015. Au cours des années suivantes, il a tout de même réussi à être admis dans un pénitencier à sécurité minimum de Laval.

En février 2019, il s’est évadé de l’établissement. Durant quatre ans, il est demeuré en liberté et son nom a été mis sur la liste des dix criminels les plus recherchés au Québec. Le programme Bolo, un programme privé qui travaille à amplifier les avis de recherche des criminels dangereux, avait fait de sa traque une priorité.

Lisez « Incendie mortel du Vieux-Montréal : le suspect derrière les barreaux pour un autre crime »

« Denis Bégin, c’est quelqu’un qui doit être menotté le plus rapidement possible », avait déclaré Maxime Langlois, directeur du programme, à Radio-Canada.

Sous une fausse identité

Au printemps dernier, les enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM affectés à l’enquête sur l’incendie criminel qui a fait sept morts dans le Vieux-Montréal ont interrogé un témoin important au sujet du drame. Ils l’ignoraient initialement, mais il s’agissait de Denis Bégin.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Pompiers combattant les flammes dans l’immeuble de la place d’Youville, dans le Vieux-Montréal, où un incendie a fait sept morts en mars dernier

Bégin se serait alors fait passer pour un sans-abri habitué du secteur dont il aurait usurpé l’identité. Sa ruse aurait fonctionné un moment, mais une policière du poste de quartier 21, qui connaît bien les itinérants du centre-ville et du Vieux-Montréal, aurait aidé les enquêteurs à comprendre que le témoin n’était pas celui qu’il prétendait être.

Bégin a donc été arrêté pour son évasion, et non pour l’incendie mortel, et retourné au pénitencier pour continuer de purger sa peine à vie pour meurtre. La cour a ordonné qu’il soit vu à l’infirmerie et qu’on le laisse brièvement accéder à son cellulaire avant de le renvoyer en cellule.

La Presse avait d’ailleurs rapporté en mai dernier les propos d’un porte-parole du SPVM qui mentionnait que l’arrestation découlait d’une enquête sans lien avec son évasion.

Denis Bégin a récemment retenu les services d’une nouvelle avocate, qui n’a pas rappelé La Presse mercredi.

Le sexagénaire n’est pas accusé en lien avec l’incendie du Vieux-Montréal à ce stade, mais les enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM poursuivent leur enquête et il demeure le suspect principal, selon nos informations.

On ignore toujours le mobile de cet incendie, l’un des plus mortels de l’histoire de Montréal.

En comparant différentes captures d’écran de la liste des dix criminels les plus recherchés apparaissant sur le site officiel entre mars dernier et l’été dernier, La Presse a pu confirmer que la fiche de Bégin a été retirée à un moment qui concorde avec certains développements dans l’enquête sur l’incendie.

« Psychopathe », « narcissique », « antisocial »

Dans une décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada rendue en 2016, les commissaires soulignent le fait qu’un psychologue qui a évalué Bégin l’a qualifié de psychopathe présentant des traits narcissiques et antisociaux en 2008. La classification de psychopathe est demeurée lors d’une nouvelle évaluation en 2014.

« Le risque de récidive violente est évalué à modéré-élevé, la vigilance est de mise quant au potentiel de manipulation et de violence », ont prévenu les commissaires dans leur décision. Ceux-ci notent également que Denis Bégin avait déjà fait deux tentatives d’évasion à l’époque.

Un psychiatre lui a finalement retiré l’étiquette de psychopathe en 2015, tout en concluant qu’il souffrait d’un trouble de personnalité antisociale.

Dans un jugement de la Cour fédérale en lien avec ses griefs contre le système carcéral, les autorités pénitentiaires notaient « sa propension au mensonge et la supercherie ».

Ancien proche des motards

Bégin a déjà été proche des motards et d’un groupe de trafiquants de drogue colombiens liés aux cartels sud-américains. Durant la guerre qui a fait 160 morts et autant de blessés entre 1994 et 2002, il avait aidé les enquêteurs de la légendaire escouade Carcajou dans leur enquête sur le meurtre de Daniel Desrochers, 11 ans, tué par l’explosion d’une bombe rue Adam, près du boulevard Pie-IX, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à l’été 1995.

Après son arrestation pour le meurtre commis dans un bar le soir de l’Halloween, Denis Bégin avait aussi déclaré qu’il avait déjà commis un autre meurtre par le passé. Cet aveu, qu’il a renié par la suite, n’a toutefois pas permis de porter de nouvelles accusations criminelles contre lui.

Une décision de la Cour d’appel dans son dossier souligne qu’il a vécu « une vie de criminalité » depuis sa jeunesse. Il a subvenu aux besoins de sa famille en vendant des stupéfiants après avoir brièvement travaillé comme préposé aux bénéficiaires dans un centre de soins psychiatriques. Il a été condamné pour incendie criminel, fraude, vol, extorsion et conduite en état d’ivresse.

Au pénitencier, il a terminé son secondaire, avant d’obtenir des diplômes d’études collégiales et trois certificats universitaires.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.