(Québec) Le gouvernement du Québec a annoncé mardi une série de mesures pour freiner notamment les incursions par drone dans les prisons québécoises, un fléau qui permet aux détenus de s’approvisionner en drogues, en armes, en cellulaires et même en consoles de jeux.

« Bordeaux est quasiment rendu le deuxième aéroport de Montréal », illustre Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Ces propos recoupent ceux d’un gestionnaire de l’Établissement de détention de Montréal, qui a livré un témoignage récemment devant la Cour du Québec. « L’agent Jean-François Perron rapporte une moyenne de trois intrusions de drone par quart de travail », peut-on lire dans le jugement.

Les incursions par drone ont commencé dans la métropole. Mais maintenant, les prisons de tout le Québec sont touchées.

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Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (à droite), en conversation mardi avec le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel (à gauche), au centre de détention de Québec

La province se dirige d’ailleurs vers un record sur ce plan.

La barre symbolique des 1000 incursions pourrait être atteinte en 2023. Les autorités ont répertorié 484 tentatives d’incursion dans les six premiers mois de l’année. Il y en avait eu 647 pour toute l’année 2022.

Québec estime que 78 % des drones sont interceptés avant de pouvoir livrer leur marchandise. Ceux qui réussissent à passer sont rapidement saisis par des détenus qui brisent les fenêtres de leur cellule. Une fois la marchandise entrée en prison, elle est rapidement distribuée et donc difficile à saisir.

« Il y a eu plusieurs saisies de couteaux cet été à Québec et à Montréal », relate le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels. « On ne parle pas de couteaux à patate, on parle de gros couteaux. »

PHOTO FOURNIE PAR LE SYNDICAT DES AGENTS DE LA PAIX EN SERVICES CORRECTIONNELS DU QUÉBEC

Une saisie survenue cet été à l’Établissement de détention de Québec

Les cellulaires sont aussi un fléau. Ils permettent à certains détenus de poursuivre leurs activités criminelles derrière les barreaux, ou même d’intimider des témoins. « On saisit environ 800 cellulaires par année », indique Mathieu Lavoie. Il y a 4500 détenus dans les établissements de détention québécois.

M. Lavoie relate que des tablettes sont parfois saisies, et qu’une console Nintendo Switch a été trouvée à Québec.

Québec investit 36 millions

L’augmentation fulgurante des livraisons par drone, et deux évasions par hélicoptère dans les établissements québécois en 2013 et 2014, ont incité Québec à intervenir. Le gouvernement a dévoilé mardi un plan de 36 millions de dollars pour juguler la contrebande et les tentatives d’évasion.

« Il s’agit du plus gros investissement dans la sécurité de nos prisons », a lancé le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel.

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François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, à l’Établissement de détention de Québec, mardi

Les investissements serviront à doter certains établissements de systèmes poussés de radars pour détecter les drones. « On va aller chercher ce qu’il y a de mieux », assure le ministre.

Les agents seront aussi munis de détecteurs à balayage corporel pour les aider dans les fouilles. Une quinzaine de cours de prison seront par ailleurs mieux clôturées.

« L’incarcération est le moment de payer sa dette à la société, pas de continuer ses activités criminelles », juge François Bonnardel, qui n’en revient pas de voir que certains détenus munis de cellulaires ont recours aux réseaux sociaux « pour se vanter de leurs crimes ».