Les enquêtes de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) ont mené au dépôt de plus de 200 accusations en lien avec la production et l’usage de faux passeports vaccinaux pendant l’exercice 2022-2023, le secteur de la santé étant de loin celui auquel le corps policier spécialisé a concentré le plus d’efforts.

C’est ce qu’a expliqué le Commissaire à la lutte contre la corruption, Frédérick Gaudreau, lors d’une conférence de presse tenue mardi pour dresser le bilan annuel de l’organisation.

Avec un total de 231 accusations en matière criminelle et pénale en un an, l’UPAC dit avoir connu « son meilleur bilan en enquête » depuis sa création, avec des chiffres largement supérieurs à la moyenne.

« Ce bilan découle en grande partie des efforts déployés pour lutter contre la production et l’usage de fausses preuves vaccinales », a déclaré le commissaire.

La grande majorité des accusations dans ces dossiers concernent des infractions pénales en vertu de la Loi sur la santé publique, pour les gens qui payaient afin d’obtenir les fausses attestations gouvernementales.

Mais le cœur des enquêtes policières concernait le petit nombre de fonctionnaires qui acceptaient des pots-de-vin pour fournir au public de faux passeports vaccinaux. Environ une dizaine d’entre eux font face à des accusations criminelles.

Le commissaire Gaudreau affirme que l’abus de confiance par des fonctionnaires qui acceptent de l’argent pour fournir de faux documents touche directement la mission de l’UPAC. Même si pour bien de gens, l’époque de la pandémie et des passeports vaccinaux semble désormais bien lointaine.

« Ce sont des gens qui ont traversé une ligne », a-t-il martelé en conférence de presse.

« Il y a fabrication de faux, il y a un bris de confiance avec le fonctionnaire, c’est là qu’on doit intervenir », dit-il.

« La société met sa confiance en ses fonctionnaires », a-t-il ajouté.

La vague d’accusations portées au cours de l’exercice 2022-2023 fait suite à une vague sans précédent de dénonciations. Dans son bilan de l’année dernière, l’UPAC disait avoir reçu 300 dénonciations au sujet du trafic de fausses preuves de vaccination dans le réseau de la santé.

La Presse a déjà rapporté, sur la base des documents judiciaires, que les policiers avaient saisie des centaines de milliers de dollars, des biens de luxe, des machines à compter l’argent, ainsi que des listes de clients circulant sur des applications encryptées au cours de leurs enquêtes sur ce phénomène.

Le portrait a changé

D’autres enquêtes criminelles sont par ailleurs en cours pour des soupçons de corruption au sein du réseau de la santé et de l’éducation. « On voit des plaintes sur les contrats, les ressources, les agences de placement privées. On a différents types d’enquêtes concernant la santé et les écoles », affirme M. Gaudreau.

De façon générale, le portrait de la corruption au Québec a changé, dit-il. « Les stratagèmes qui étaient sur la place publique il y a 10-12 ans, c’est des stratagèmes qu’on ne voit plus aujourd’hui. Un système comme Laval, où on avait plusieurs acteurs du milieu de l’ingénierie et du milieu municipal… grâce à ce qui a été exposé, on ne voit plus ces stratagèmes aussi ouverts », explique le commissaire.

Mais des gens tentent toujours de contourner les règles grâce à des pots de vin. « Des gens, encore aujourd’hui, malheureusement, s’échangent des enveloppes pour avoir un contrat, être favorisés dans un appel d’offres. On en voit encore », affirme-t-il.

Parmi les autres dossiers qui ont occupé le corps policier spécialisé, il cite :

  • L’arrestation de l’ancien maire de Chambly pour entrave à la justice et abus de confiance.
  • L’arrestation d’un cadre de l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve et d’un entrepreneur qui tentait de corrompre les fonctionnaires de l’arrondissement en lien avec des projets immobiliers.
  • L’arrestation d’une ex-attachée politique de l’ancien député caquiste de la circonscription de Groulx pour avoir détourné des fonds.

Pas d’excuses pour Jean Charest

Le commissaire Gaudreau a par ailleurs indiqué qu’il n’avait pas l’intention de présenter des excuses à l’ancien premier ministre Jean Charest, à la suite des fuites d’informations confidentielles qui ont entaché sa réputation.

En avril dernier, un juge de la Cour supérieure a accordé 385 000 $ en dommages à M. Charest parce que des informations tirées d’une enquête de l’UPAC à son sujet ont été coulées aux médias de Québecor, sans que M. Charest soit accusé de quoi que ce soit en fin de compte.

Le juge avait déclaré que les lacunes dans la protection des renseignements confidentiels sur M. Charest constituaient une « faute lourde ».

« La décision a été rendue par les tribunaux. Je me range à la décision, et c’est terminé là pour moi », a déclaré le commissaire.

Une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes est en cours depuis 2018 sur ces fuites d’informations confidentielles