Un forcené accusé d’avoir attaqué des agents en plein procès

Un dangereux criminel est démenotté pour son procès. À la pause, il tabasse les agents et s’échappe vers le corridor des juges. C’est le scénario aussi exceptionnel que terrifiant qui s’est produit il y a deux ans au palais de justice de Montréal.

« Ç’a été très, très difficile », a témoigné l’agente correctionnelle Audrey Laferrière au procès d’Alexis Barnabé-Paradis, à la fin de septembre. La victime a été marquée à vie par cette agression.

L’homme de 43 ans est l’un des criminels les plus violents des dernières années au Québec. Déjà condamné à une peine à durée indéterminée pour une attaque gratuite contre un inconnu, il a été condamné à 18 ans de prison l’hiver dernier pour une tentative de meurtre extrêmement brutale.

C’est justement au premier jour de son procès dans cette affaire que Barnabé-Paradis est sorti de ses gonds, le 5 octobre 2021, provoquant l’avortement du procès et la formation d’un second jury.

Alexis Barnabé-Paradis a reconnu sa culpabilité, le 22 septembre dernier, à des chefs de voies de fait graves contre un agent correctionnel, de bris de prison, de méfaits et d’avoir résisté à son arrestation.

Mais au moment de plaider coupable, comme prévu, d’avoir blessé une agente correctionnelle, Barnabé-Paradis s’est braqué.

« Elle, je ne lui ai jamais touché. Ça, ce n’est pas vrai », a-t-il lancé.

Un commentaire qui a obligé la tenue d’un procès sur ce chef.

Violente attaque

Audrey Laferrière était affectée au procès d’Alexis Barnabé-Paradis en octobre 2021. À la pause, son collègue et elle sont sortis du box des accusés et ont placé l’accusé dans une cellule, dans une zone qui n’est pas visible de la salle d’audience.

Il était démenotté et n’avait pas de masque. Il ne voulait pas collaborer. On voulait qu’il mette son masque et ses menottes. Il ne voulait pas, il disait qu’il fallait qu’il urine. Il a refusé à plusieurs reprises.

L’agente correctionnelle Audrey Laferrière

C’est à ce moment que Barnabé-Paradis aurait explosé.

« Il a donné un coup de poing en plein visage à mon collègue, puis il l’a poussé au fond de la cellule. Moi, j’étais à la porte. J’ai eu le temps de reculer d’un pas. Monsieur s’est élancé et m’a donné un coup de poing à la mâchoire, côté gauche », a relaté Mme Laferrière.

L’agente correctionnelle raconte avoir vu le forcené briser les plexiglas sanitaires, puis se diriger vers la porte menant au corridor réservé aux jurés et aux juges. Dans la salle, il n’y avait qu’un policier et un constable, selon elle.

Son collègue, encore sonné, apparaît ensuite avec les menottes. Il est alors roué de coups par l’accusé, raconte-t-elle.

« Je suis partie à courir, j’ai sauté sur la chaise et j’ai accroché le cou de M. Barnabé. J’étais sur son dos, les jambes dans le vide. Puis là, mon collègue a pu se départir de la situation. J’ai reçu des coups de tête », a-t-elle témoigné.

Des constables spéciaux sont finalement arrivés en renfort pour aider l’agente correctionnelle à maîtriser Barnabé-Paradis.

« J’ai marché jusqu’à mon collègue et je me suis effondrée. J’avais du sang de M. Barnabé partout sur ma chemise. Son bras saignait. Il l’avait scalpé dans le plexiglas. Je me suis mise à pleurer », a-t-elle raconté.

Cette agression a eu d’importantes conséquences dans sa vie. Elle a été victime d’une grave commotion, d’une blessure au bras et d’un choc post-traumatique.

Version discordante

« Moi, je ne frappe pas le monde gratuitement. Je n’ai pas de méchanceté. […] Il l’a cherché. S’il ne m’avait pas fait mal au début, je ne lui aurais pas fait mal. »

C’est ainsi qu’Alexis Barnabé-Paradis justifie son attaque sur l’agent correctionnel. Il reproche à ce dernier de lui avoir fait mal en lui tirant sur les menottes, alors qu’il insistait pour aller aux toilettes. S’il reconnaît cette agression, il nie avoir frappé Audrey Laferrière. « Je n’ai jamais touché à la madame », jure-t-il.

Son récit diffère de celui de la plaignante sur un point névralgique. En effet, Barnabé-Paradis affirme avoir frappé l’agent correctionnel sous les yeux du juge et de son avocate, et non dans une cellule à l’extérieur de la salle d’audience.

J’ai attendu d’être dans la salle de cour, que mon avocate demande de me démenotter, et après, j’ai frappé monsieur. […] Le jury n’était pas là encore, mais le juge seulement.

L’accusé Alexis Barnabé-Paradis

Cette surprenante version, avancée en contre-interrogatoire, a fait dérailler le procès, puisque selon son récit, son avocate actuelle, MCatherine Daniel Houle, aurait été témoin de toute la scène. Et selon lui, c’est elle qui aurait demandé de le faire démenotter juste avant l’agression.

La procureure de la Couronne, MGeneviève Boutet, a donc demandé de rendre inhabile MDaniel Houle à défendre son client. « Elle est un témoin contraignable. Elle ne peut agir dans ce dossier », a fait valoir MBoutet. Le procès est donc suspendu jusqu’à ce que la juge Roxane Laporte tranche cette question.

Notons qu’une porte-parole de la Cour supérieure avait déclaré à La Presse en 2021 que le juge avait suivi la procédure habituelle en démenottant Barnabé-Paradis.