Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a outrepassé ses pouvoirs lorsqu’il a blâmé Radio-Canada pour l’utilisation du « mot commençant par un N » lors d’une émission de radio, a tranché jeudi la Cour d’appel fédérale, renvoyant l’organisme faire ses devoirs.

Le tribunal se range ainsi derrière les arguments présentés en décembre dernier par le procureur général du Canada, qui s’était lui-même rallié à l’argument de la Société Radio-Canada (SRC) selon lequel « le CRTC a excédé sa compétence » et qu’il a « omis de tenir compte du cadre juridique applicable ainsi que de la liberté d’expression de la SRC telle que garantie par la Charte », lit-on dans la décision rendue jeudi.

« Puisque le législateur a confié au CRTC le mandat d’agir comme premier décideur en ce qui a trait à ce qui peut et ne peut être dit sur les ondes, je lui retournerais l’affaire pour qu’il se prononce à nouveau sur le mérite de la plainte », et ce, « après avoir dûment soupesé l’impact que sa décision pourrait avoir sur la liberté d’expression de la SRC », écrit le juge en chef Marc Noël.

La société d’État avait été contrainte de présenter des excuses le 13 juillet dernier après avoir été blâmée par le CRTC pour l’emploi du « mot commençant par un N » lors d’une émission de radio diffusée sur ses ondes le 17 août 2020.

Le mot avait été utilisé quatre fois lors d’un segment de l’émission Le 15-18 sur ICI Radio-Canada Première. Le chroniqueur Simon Jodoin et l’animatrice Annie Desrochers y discutaient d’une controverse autour du livre de Pierre Vallières Nègres blancs d’Amérique.

Une plainte avait été déposée quelques jours plus tard.

Elle avait été rejetée par la première cheffe de contenu, et par la suite, l’ombudsman des services français de la SRC en poste à l’époque, Guy Gendron, avait refusé d’intervenir, étant d’avis que l’utilisation de ce mot respectait les Normes et pratiques journalistiques en vigueur.

Le plaignant s’est ensuite tourné vers le CRTC, qui lui a donné raison.

C’est cette décision que vient d’infirmer la Cour d’appel fédérale.

Le député bloquiste Martin Champoux s’en est réjoui. « Heureux de cette décision. Je souhaite que le CRTC en profite pour essayer de mieux comprendre la liberté d’expression et qu’il s’engage à protéger les espaces d’échanges où il est possible de débattre, même quand le sujet est sensible », a-t-il écrit sur Twitter, jeudi.

Du côté de CBC/Radio-Canada, on attend de voir comment le CRTC corrigera le tir.

« Nous attendrons leurs directives pour les prochaines étapes. Il est important de rappeler que cette affaire n’a aucune incidence sur les lignes directrices que nous avons déjà établies pour limiter et encadrer l’utilisation d’un langage blessant ou offensant », a écrit Leon Mar, porte-parole institutionnel.

Le CRTC n’a quant à lui fourni aucune réaction. « Nous avons pris connaissance de la décision de la Cour fédérale d’appel et n’offrons pas de commentaires en ce moment », a déclaré Valérie Lavallée, porte-parole de l’organisme de réglementation.

Avec la collaboration de Vincent Larin, La Presse