La pénurie de constables spéciaux perturbe grandement les activités du palais de justice de Montréal cette semaine. Avocats, accusés et victimes se sont encore butés mercredi matin à des portes closes devant plusieurs salles d’audience. Le syndicat évoque une « hémorragie » de personnel.

« Manque de constables. Dossiers armes à feu référés en salle 3,02. »

« Manque de constables. Avocats en Teams seulement. Merci de votre collaboration. »

« Manque de constables. Rôle du 6,06 référé en salle 5,06. »

PHOTO LA PRESSE

Ces feuilles étaient posées sur la porte d’une salle d’audience du palais de justice de Montréal mercredi matin.

Ces messages écrits sur des feuilles collées avec du ruban adhésif trônaient mercredi matin sur la porte de la salle 5,06 du palais de justice de Montréal. De l’extérieur, on pouvait voir un juge de la Cour du Québec sur le banc. Or, la salle était fermée au public par manque de constables spéciaux. Une situation quasi inédite.

Un peu plus loin, toujours au cinquième étage du palais de justice, des citoyens faisaient les cent pas ou regardaient leur téléphone, appuyés contre le mur, en attendant qu’un constable spécial se présente pour ouvrir leur salle d’audience. Les constables se faisaient si rares mercredi que les procureurs se réjouissaient à la vue d’un tel agent de la paix.

Selon une liste affichée par la Cour du Québec, trois salles d’audience étaient fermées mercredi matin par manque de constables, alors que les activités dans cinq autres salles étaient suspendues ou perturbées.

En début de soirée, le ministère de la Justice est venu préciser que cinq salles d’audience avaient « débuté avec du retard » mercredi en raison du manque de constables spéciaux, contre six salles mardi. « Les audiences prévues dans les autres salles touchées ont pu débuter à l’heure en raison des mesures mises en place, par exemple la visioconférence et la fusion des rôles », a indiqué la porte-parole Isabelle Boily.

La Presse a pu constater, par exemple, qu’une juge a exceptionnellement décidé de permettre la tenue d’un procès sans la présence d’un constable dans la salle.

Mardi, une enquête préliminaire pour une affaire de proxénétisme n’a pas pu procéder en l’absence d’un constable, obligeant la plaignante et les témoins à patienter longuement, en vain. Ils devront revenir plus tard au palais de justice pour témoigner à cette étape éprouvante.

« Il y a un bris de service »

« On est en train de frapper un mur. Il y a un bris de service. On n’est plus en mesure de maintenir la sécurité des citoyens et du personnel de la cour à cause du manque de constables. Ça nous inquiète énormément », affirme en entrevue Franck Perales, président du Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec.

Il ne faut pas confondre les constables spéciaux avec de simples agents de sécurité. Les constables sont des agents de la paix, à l’instar des policiers, et sont formés à l’École nationale de police du Québec à Nicolet. Ils détiennent une arme à feu et peuvent procéder à des arrestations. Malgré tout, ils sont payés 59 000 $ par année, un salaire bien moindre que dans les services de police.

« On est les constables les moins bien payés au Canada et au Québec. C’est l’hémorragie. Depuis décembre, 11 constables ont quitté. En si peu de temps, c’est énorme. Il y a eu 200 départs depuis 2018 chez les constables, mais on n’arrive pas à reprendre le dessus. Le gouvernement a embauché 200 recrues et n’a pas été en mesure de les garder. Ils ont quitté pour de meilleurs cieux », explique Franck Perales.

Les négociations sont dans une impasse depuis maintenant trois ans, désespère le président du syndicat. « On ne demande pas la lune, juste être compétitifs. Mais on est devant un gouvernement qui ne semble pas prêter l’oreille. Si on frappe un mur, ce n’est pas parce qu’on n’aura pas sonné l’alarme », conclut-il.