Une juge du Tribunal administratif du Logement (TAL) est blâmée en déontologie pour avoir qualifié publiquement des collègues de « gang de sans-jugement ». La juge administrative prenait alors la défense de son président dans un contexte d’une guerre interne révélée par La Presse.

« Les propos que MLeclerc a tenus accréditent l’image selon laquelle le TAL est une instance divisée au sein de laquelle existe une “clique”, mot péjoratif s’il en est un, de juges qui sont dénués de jugement alors qu’ils sont appelés quotidiennement à trancher des litiges entre locataires et propriétaires partout au Québec », déplore le comité d’enquête du Conseil de la justice administrative (CJA).

Dans une décision récemment rendue publique, le comité a conclu que la juge Micheline Leclerc avait manqué à son devoir de réserve et avait contribué à « discréditer » le tribunal en participant « à la controverse publique qui affecte le TAL ». Le CJA est l’instance qui évalue les plaintes déontologiques visant les juges des tribunaux administratifs.

Les propos litigieux ont été tenus en mars 2022 par la juge administrative Micheline Leclerc, en entrevue avec l’auteur de ces lignes. Notre reportage décrivait la guerre de clans qui déchiraient à l’époque les juges du TAL, principalement en raison d’un conflit entre le président Patrick Simard et le juge André Gagnier, qui a perdu son poste pour une affaire d’inconduite sexuelle. Certains juges accusaient le président de faire régner un « climat de terreur » au sein du TAL.

En entrevue avec La Presse, la juge administrative Micheline Leclerc avait tiré à boulets rouges sur son collègue Gagnier et « sa petite clique »⁠1. « On ne peut pas gérer une aussi grosse organisation en se faisant piler sur les pieds par une gang de sans-jugement », avait-elle déclaré à La Presse, en vantant les mérites du président.

Les critiques acerbes et publiques de Micheline Leclerc avaient suscité à l’époque la colère de nombreux juges du TAL. L’Association des juges administratifs du TAL avait déploré l’absence de réaction de la direction à la suite de ces commentaires portant « ombrage au sérieux » du travail des juges du TAL.

Devant le comité d’examen, Micheline Leclerc n’a pas nié avoir tenu de tels propos. Pour sa défense, son avocate a fait valoir que l’expression « sans jugement » était « extrêmement respectueuse ».

« Le comité est en désaccord avec cette affirmation. Tout comme l’utilisation du mot “clique”, qui dans un tel contexte s’avère péjorative, l’expression “une gang de sans-jugement” apparaît plutôt comme une insulte », conclut le comité d’enquête du CJA.

Il reste maintenant à déterminer la sanction à imposer à la juge administrative. Elle risque une réprimande, une suspension ou la destitution. Le mandat de MLeclerc a été renouvelé par le gouvernement en 2021.

1. Lisez « Ça brasse au Tribunal administratif du logement »