On sait maintenant qui est la jeune femme agressée sexuellement par l’ex-député du Parti québécois Harold LeBel, dans son appartement de Rimouski en 2017. L’identité de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a été rendue publique mardi à sa demande, afin de « transformer ces évènements en quelque chose de positif ».

L’ordonnance de non-publication qui interdisait aux médias de diffuser le nom de Mme Fournier, qui était députée péquiste au moment des faits, a été levée mardi matin aux alentours de 9 h, sur ordre d’un juge. C’est la principale intéressée qui avait elle-même demandé que son identité soit rendue publique, disant vouloir franchir une nouvelle étape dans son cheminement.

La levée de l’ordonnance, ce 18 avril, coïncide avec la sortie d’un documentaire sur son histoire et son parcours judiciaire, prévue mercredi. Un visionnement de presse a d’ailleurs été organisé mardi.

« Si je choisis de prendre la parole à partir de maintenant, c’est pour partager mon expérience, faire bénéficier à d’autres personnes de ce que j’ai appris en contribuant à démystifier cet inconnu que représente le parcours d’une personne victime d’agression sexuelle à travers le système judiciaire. […] Faire œuvre utile », a expliqué Mme Fournier sur Instagram, mardi.

En point de presse, en après-midi, elle a précisé pourquoi sa plainte a été déposée plus de deux ans après les faits. « Je savais que si je parlais, il y aurait des conséquences pour lui publiquement, mais derrière ça, je me doutais qu’il y aurait pu avoir des conséquences pour moi aussi. […] Je trouvais ça pas mal plus simple de faire comme si ce n’était pas arrivé que de dénoncer », a-t-elle dit.

La femme de 31 ans dit par ailleurs trouver « particulier » que le procès se soit tenu devant jury à Rimouski, dans la région d’Harold LeBel, où plusieurs le soutenaient ouvertement selon les dires de l’élue. « Je pensais que ça allait être pas mal plus rapide que ça », a-t-elle aussi dit au sujet du procès en lui-même, soulignant tout de même « l’accompagnement exceptionnel » qu’elle a reçu.

Je ne regrette en rien mon parcours. Je suis fière d’être passée par là et j’en suis sortie la tête haute, bien au-delà du verdict.

Catherine Fournier

« Tous les parcours sont valides. Chaque personne victime est la seule maître de ses choix et de ses décisions en regard de ce qu’elle a vécu », a ajouté l’élue, en remerciant les « humains extraordinaires » qui l’ont accompagnée au tout au long du processus, à la Sûreté du Québec, au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) du Bas-Saint-Laurent.

Une « nuit interminable »

Fin mars, devant la Cour supérieure, Catherine Fournier – qui n’était alors pas encore identifiée formellement – avait parlé de son choix de rendre publique son identité comme d’une « décision mûrement réfléchie, pesée, et faite de façon volontaire ».

La mairesse de Longueuil avait été rappelée à la barre in extremis en novembre dernier après que l’avocat de la défense eut appris que la jeune femme participait à un documentaire de Québecor dans lequel elle entendait révéler son identité. Une levée de l’ordonnance était donc nécessaire, voire prévisible, pour procéder à la diffusion éventuelle de ce documentaire.

Durant le procès, Catherine Fournier avait raconté avoir vécu une « nuit interminable » dans l’appartement rimouskois de l’ex-politicien, de quelque 30 ans son aîné. Elle avait dormi avec une collègue, toujours non identifiée, chez M. LeBel dans le cadre d’un déplacement professionnel.

La soirée se déroulait sans anicroche et son amie était partie se coucher dans une chambre quand l’homme a soudainement et sans avertissement tenté d’embrasser la victime. Mme Fournier a expliqué au tribunal qu’il avait ensuite dégrafé son soutien-gorge, puis qu’il avait passé la nuit à lui faire des attouchements alors qu’elle restait immobile, incapable de dormir.

L’ex-politicien de 60 ans, lui, a clamé son innocence. Il a plutôt raconté au tribunal que leur baiser était consensuel. Selon lui, il s’est simplement couché dans le même lit que la plaignante, puis s’est réveillé avec les bras sur elle au hasard du sommeil. Le jury ne l’a finalement pas cru.

Condamné à huit mois de prison, M. LeBel est finalement sorti du pénitencier au quart de sa peine, afin de terminer celle-ci dans une maison de transition. La Commission québécoise des libérations conditionnelles a en effet approuvé il y a quelques semaines la sortie de prison d’Harold LeBel malgré la « gravité objective » de son crime, jugeant que l’ancien élu fait maintenant preuve « d’empathie envers la victime ».

Dans l’histoire récente, la jeune mairesse n’est d’ailleurs pas la première plaignante dans une cause d’agression sexuelle à dévoiler son identité à l’issue du procès. Récemment, la documentariste Léa Clermont-Dion avait aussi choisi de garder l’anonymat tout le long du procès pour agression sexuelle de l’ex-journaliste Michel Venne. Elle était finalement sortie de l’ombre après le verdict.

Ce qu’ils ont dit

Je salue le courage de Catherine Fournier. Un bel exemple de détermination. Tu peux être fière. C’est important que les victimes sachent qu’elles peuvent dénoncer.

François Legault, premier ministre du Québec

La démarche de Catherine Fournier a sans aucun doute été difficile et exigeante. Je salue son courage d’avoir dénoncé devant les tribunaux. Au terme de cette démarche, justice a été rendue. J’espère qu’au terme de cette épreuve, elle saura trouver la paix vis-à-vis ces évènements. Je souhaite également que les victimes qui hésitent à porter plainte constatent que notre système de justice, bien qu’imparfait, a fait son travail et qu’elles prendront également la décision de porter plainte.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Chère Catherine Fournier, ton courage et ta résilience sont admirables. Toute la famille solidaire est derrière toi. J’espère que ta voix sera entendue et que les choses changeront.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Je salue Catherine Fournier pour son courage. J’encourage toutes les femmes victimes d’agressions ou d’abus à faire comme elle. Peu importe le contexte, c’est tolérance zéro. C’est en dénonçant qu’on va y arriver.

Brigitte Garceau, critique libérale en matière de condition féminine

Je suis fière de ma collègue Catherine Fournier. Elle est un exemple de courage et de force. Le chemin est long et ardu pour les victimes, mais il faut continuer à se battre, comme Catherine, pour mettre fin à la violence envers les filles et les femmes.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Sa détermination à briser le silence et à obtenir justice est une inspiration pour nous tous et contribuera sans doute à amener d’autres victimes à dénoncer. De tout cœur avec toi.

Stéphane Boyer, maire de Laval

Avec Gabriel Béland et Vincent Larin, La Presse