La prison n’a pas changé d’un iota le blogueur antiféministe Jean-Claude Rochefort. Deux mois après avoir été condamné pour incitation à la haine contre les femmes, l’admirateur du tueur de Polytechnique présente un risque de récidive « très élevé et inacceptable », selon la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

« Vous êtes toujours d’avis que vous vous êtes levé malgré votre âge, pour les hommes devant le spectre du féminisme. […] Vous semblez vous percevoir comme une sorte de réformateur. […] La Commission n’y voit aucun début de conscientisation ni de responsabilisation. En fait, la Commission ne voit aucun changement chez vous », a conclu le commissaire Jean Dugré, dans une décision rendue mardi.

Reconnu coupable d’incitation à la haine en août dernier, Jean-Claude Rochefort purge depuis la fin de janvier une peine d’environ un an de détention. Ayant purgé le sixième de sa peine, il demandait une permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle. Or, même si une intervenante recommandait de la lui accorder, la Commission a refusé net.

Fait particulier : Jean-Claude Rochefort a porté en appel le verdict et la sentence, mais n’a pas demandé à être libéré pendant les procédures.

Sur son blogue fréquenté par 60 000 personnes, l’homme de 74 ans multipliait les billets à la gloire de Marc Lépine, qui a assassiné 14 femmes le 6 décembre 1989 à Polytechnique. Il présentait le tueur de masse comme un « saint », un « héros » et un « rôle modèle » et le mettait en scène, armé jusqu’aux dents, dans des montages photo.

La veille du 30anniversaire de la tuerie de Polytechnique, Jean-Claude Rochefort a invité ses lecteurs à « polir leurs carabines » en vue de célébrer la « Saint-Marc Lépine Day ». C’était le point d’orgue sur son blogue d’un « décompte » en vue des « célébrations » de la commémoration de la tuerie.

« Commencez les préparatifs. Posez des lumières, des ceintures de munitions et une photo de Saint-Marc », écrivait-il, à deux jours de la commémoration.

Sur un montage publié sur son blogue, la tête de l’assassin Marc Lépine était collée sur le corps d’un homme armé d’un pistolet à qui un policier disait : « Fais-nous une faveur Marc, tue toutes ces salopes. »

Sa haine des femmes allait jusqu’à les décrire comme étant « sauvages » et « diaboliques ». Il était ainsi une figure de proue de la mouvance « incel », de célibataires involontaires, jeunes hommes misogynes en colère.

Également, ses billets avaient provoqué la peur à l’UQAM, puisque le blogueur ciblait régulièrement sur son blogue les professeurs en études féministes Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri.

Animé par un « sentiment de vengeance »

Encore aujourd’hui, Jean-Claude Rochefort ne présente aucun remords, souligne la Commission. D’ailleurs, son seul regret porte sur le fait qu’il ne connaissait pas la loi. Lors de l’audition, le blogueur antiféministe disait encore être « le seul à [se] lever pour défendre les hommes contre le féminisme à outrance ».

« Vous tentez plutôt de minimiser et de justifier vos gestes par l’évocation d’une simple opinion sur des questions comme le droit et la liberté de parole », analyse le commissaire.

Dans un rapport produit il y a quatre mois, Jean-Claude Rochefort disait ne plus « avoir rien à perdre » à ce stade avancé de sa vie. Le juge Pierre Labrie s’inquiétait ainsi en janvier dernier du « sentiment de vengeance » de l’accusé, qui affirmait que la justice pourrait être son « prochain sujet de prédilection à dénoncer ».

En l’absence de changement « significatif » chez le délinquant, le commissaire Jean Dugré conclut ainsi que le risque que Rochefort « commette à nouveau ce genre de crimes est très élevé et inacceptable pour la société ».