Accusé d’avoir agressé sexuellement une résidante extrêmement vulnérable pendant la pandémie, Florent Francœur, ex-PDG de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, a été acquitté vendredi. Estimant sa version « plausible », le juge l’a fait bénéficier du doute raisonnable.

L’homme de 64 ans était accusé d’avoir touché les parties génitales d’une patiente aphasique et souffrant de troubles cognitifs sévères le 2 août 2020. Florent Francœur avait été embauché comme « aide de service » au CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci, dans le nord de Montréal, après avoir répondu à l’appel du gouvernement Legault.

Florent Francœur a fermement nié au procès avoir commis de tels gestes. Selon sa version, il était entré dans la chambre pour ramasser la culotte de la patiente en prenant soin d’enfiler des gants. Il était en train de tirer sur la couche, puisque le velcro était collé sous le dos de la patiente, quand une collègue est entrée dans la pièce et s’est mise à l’accuser.

« M. Francœur répond sans détour à toutes les questions qui lui sont posées. Il témoigne de façon précise et détaillée. Les explications qu’il apporte sont raisonnables et déconstruisent des perceptions qui sont à première vue suspicieuses ou incriminantes », analyse le juge Martin Chalifour en qualifiant de « sensées et raisonnables » les explications de l’accusé.

La preuve de la Poursuite reposait essentiellement sur le témoignage de Lucretia Rosean, une infirmière auxiliaire d’expérience du CHSLD qui affirmait avoir surpris Florent Francœur en flagrant délit. Selon son récit, elle avait observé l’accusé entrer dans cette chambre à plusieurs reprises et sans motif apparent pendant la journée, puisque la cloche d’appel n’était pas activée.

Lucretia Rosean soutenait avoir vu Florent Francœur entrer à nouveau dans la chambre sur l’heure du midi. À ses yeux, cela ne faisait pas partie des tâches d’aide de service de M. Francœur – un collègue qu’elle ne connaissait pas. Alors que son cœur se débattait, elle était allée voir par elle-même.

C’est en entrant dans la chambre que Lucretia Rosean a affirmé avoir vu Florent Francœur, à trois mètres de distance, en train de toucher la vulve de la patiente sans porter de gants. Il n’y avait ni drap ni culotte d’incontinence sur le lit, selon elle. « Sortez de la chambre, je vais appeler la police ! », a-t-elle crié, selon sa version.

Lucretia Rosean est un témoin « indépendant, sincère et crédible », soutient le juge Martin Chalifour. Cependant, le regard qu’elle pose sur la situation « laisse place à la possibilité d’une impression biaisée, non par mauvaise foi, bien au contraire, mais par les informations qui étaient à sa connaissance », affirme le juge.

C’est qu’aux yeux de Mme Rosean, l’accusé ne devrait pas se trouver dans cette partie du CHSLD. « Elle semble s’attendre à voir quelque chose d’anormal, avant même de pousser la porte, son cœur déjà se débat », soutient le juge. Ainsi, un témoin « sincère et de bonne foi peut se tromper », poursuit le juge.

« La scène s’est déroulée rapidement : elle entre, elle le voit, elle crie, l’accusé retire aussitôt ses mains. Manifestement, elle n’a pas eu l’occasion de l’observer bien longuement. Elle indique avoir vu ses mains entre les cuisses de [la résidante], lui toucher les parties génitales, l’accusé prétend que ses mains se trouvaient pratiquement à la même hauteur, mais à l’extérieur de la cuisse droite, à tirer sur la culotte coincée », analyse le juge.

D’autre part, le juge ne « peut concevoir » que Florent Francœur soit entré dans les chambres de patients sans cloche d’appel, si cela lui avait été interdit. Il faut noter que l’accusé venait de travailler en zone chaude du CHSLD, où il devait effectuer des rondes des chambres toutes les 20 minutes. Il affirmait avoir maintenu cette habitude dans l’aile où il était affecté le jour des faits.

Pour conclure, le juge Chalifour est revenu sur un argument avancé par Florent Francœur pendant le procès. En contre-interrogatoire, l’accusé avait déclaré que la victime alléguée « aurait pu crier » s’il y avait eu une agression.

« Prétendre que son absence de réactions confirme qu’il n’y avait rien d’anormal revient à entretenir des mythes et préjugés sur la façon dont il est attendu qu’une victime réagisse en pareilles circonstances. Or, une victime peut très bien être paralysée par la situation et ne pas réagir, à plus forte raison une personne aussi vulnérable que [la résidante] », conclut le juge.

Grand patron pendant deux décennies de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, Florent Francœur a été radié à vie de son ordre en 2018 pour avoir eu des relations intimes avec plusieurs employées sous sa supervision. Il lui arrivait d’avoir des relations sexuelles avec des femmes sur son lieu de travail.

MLucie Joncas a représenté l’accusé au procès.