Louise Henry, une ex-détenue, a déposé jeudi à la cour une demande d’exercer une action collective contre le gouvernement du Québec pour le traitement qu’elle juge inhumain à la prison Leclerc à Laval. Des fouilles à nu estimées abusives sont entre autres en cause.

Cette demande faite à la Cour supérieure survient après des dénonciations publiques du Protecteur de citoyen et d’organismes préoccupés par les conditions d’incarcération dans cette prison pour femmes.

L’action collective vise toutes les femmes qui ont été détenues à l’Établissement de détention Leclerc à Laval depuis le 6 septembre 2019.

« Toutes les femmes détenues à Leclerc sont victimes de violations de leurs droits fondamentaux, peut-on lire. Notamment, toutes sont victimes du recours systématique aux fouilles à nu abusives. »

De même, il est allégué que « la négligence institutionnelle à Leclerc génère des problèmes systémiques d’accès aux soins de santé, plus particulièrement à la médication, aux produits d’hygiène féminine et aux professionnels de la santé ».

« Traitement cruel et inusité »

La demanderesse soutient que les pratiques reprochées constituent des fautes civiles ayant causé des préjudices graves.

« Ces pratiques inacceptables combinées au caractère inapproprié des lieux pour des femmes et à l’état d’insalubrité et de vétusté de l’établissement font de l’incarcération à Leclerc un traitement cruel et inusité pour toute femme qui y est détenue », est-il écrit dans la demande.

Mme Henry a été incarcérée à l’Établissement de détention Leclerc à deux reprises entre 2017 et 2020. Elle se dit profondément marquée par sa détention dans cette prison. Depuis sa libération, elle lutte pour le respect des droits fondamentaux des femmes détenues à Leclerc et elle a notamment signé un livre sur la question.

Dans sa demande d’autorisation d’exercer une action collective, Louise Henry est représentée par le cabinet Trudel Johnston & Lespérance.

Le Protecteur du citoyen déjà dans le dossier

En mai 2021, le Protecteur du citoyen a écrit avoir reçu une plainte selon laquelle une personne incarcérée à l’Établissement de détention Leclerc avait subi 24 fouilles à nu en seulement quatre jours.

Après enquête, le Protecteur du citoyen a appris que la personne était soupçonnée de cacher un objet interdit et avait été placée en isolement préventif comme le veut la procédure. « Le personnel effectue une fouille à nu, mais il ne trouve pas l’objet en question », peut-on lire dans le rapport de l’organisme.

« L’isolement de la personne incarcérée dure plusieurs jours. Pendant cette période, le personnel procède à de nouvelles fouilles à nu, parfois même durant la nuit. Au total, la personne incarcérée est fouillée 24 fois en quatre jours. »

Le Protecteur du citoyen a alors obtenu un document interne de la part de l’Établissement de détention portant sur les personnes incarcérées soupçonnées de cacher un objet interdit. Selon ce document, « les personnes visées devaient subir des fouilles à nu toutes les quatre heures, de façon systématique. De plus, le personnel pouvait exiger qu’elles fassent des accroupissements (des “squats). Elles devaient alors rester dans cette position pendant 10 secondes ».

« Le document interne suggérait des pratiques abusives portant atteinte à la dignité des personnes incarcérées », a estimé le Protecteur du citoyen.

Après plusieurs interventions de sa part, « l’établissement a accepté de modifier le document, a écrit le Protecteur du citoyen en 2021. Désormais, il est prévu que les fouilles à nu doivent être effectuées de manière à respecter la dignité humaine. Elles ne doivent pas être abusives ou pratiquées sans raison valable ».