(Québec) Le Barreau du Québec ne comprend pas pourquoi Simon Jolin-Barrette souhaite changer la loi pour permettre aux notaires de devenir juges. L’ordre professionnel prévient le ministre de la Justice qu’il risque de « miner la confiance » du public envers le système de justice s’il ne revient pas sur sa décision.

Dans le projet de loi 8 déposé plus tôt ce mois-ci au Parlement, le gouvernement Legault s’attaque aux délais qui augmentent sans cesse pour avoir une audience devant la division des petites créances de la Cour du Québec. Or, le texte législatif prévoit aussi des dispositions pour permettre aux notaires qui pratiquent depuis au moins 10 ans d’accéder à la fonction de juge, un rôle jusqu’ici réservé aux avocats membres du Barreau.

« Cela permettra également de valoriser la profession des notaires qui, soulignons-le, ont la même formation en droit que les avocats et jouent déjà un rôle important d’officier public dans notre société », a dit Simon Jolin-Barrette lors du dépôt du projet de loi.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

Les notaires se distinguent par une approche axée d’abord sur la prévention et la conciliation. Considérant que nous souhaitons miser davantage sur la médiation et les modes de règlement alternatifs des différends, leur expertise représente assurément un atout de taille.

Simon Jolin-Barrette

Aux auditions publiques du projet de loi 8 jeudi, le Barreau du Québec s’est formellement opposé à cette nouvelle orientation du ministre de la Justice.

« Le Barreau du Québec est très étonné de voir une telle mesure et s’y oppose. Il y a lieu de s’interroger sur les objectifs de cette proposition. Non seulement elle ne vise pas l’amélioration du système de justice, mais elle est complètement étrangère aux objectifs du projet de loi. Nous demandons donc son retrait », a indiqué l’ordre professionnel.

Des candidats en quantité suffisante

Le Barreau a également ajouté que de permettre aux notaires d’être nommés juges à la Cour du Québec, juge de paix magistrat ou juge municipal, ne répond pas à des objectifs d’accès à la justice.

« Le Barreau du Québec est composé de plus de 29 500 avocats alors que la Chambre des notaires du Québec est composée de près de 4000 notaires. Bien que les avocats et les notaires aient le même diplôme universitaire de premier cycle, […] les compétences ou les habiletés acquises en 10 ans ne sont tout simplement pas comparables », peut-on lire dans le mémoire déposé en commission parlementaire.

Cette mesure est hautement paradoxale en ce qu’elle crée deux catégories de juges, car elle s’applique seulement à la magistrature de nomination provinciale, les juges de la Cour supérieure et de la Cour d’appel échappant à celle-ci. Au surplus, nous jugeons que la mise en œuvre de cette situation comporte un risque élevé de miner la confiance du public.

Extrait du mémoire déposé par le Barreau du Québec

Les notaires appuient Québec

De son côté, la Chambre des notaires s’est réjouie jeudi de l’orientation prévue par Québec dans le projet de loi 8. « Le système de justice bénéficiera désormais de l’apport des notaires qui pourront mettre leurs compétences juridiques et leur vision de la justice au service de la société québécoise », a-t-elle indiqué.

« Rappelons que le notaire est l’acteur du système de justice qui jouit du niveau de confiance le plus élevé auprès de la population avec un taux de 90,9 %. […] La Chambre est convaincue que plusieurs notaires possèdent déjà toutes les aptitudes imposées comme critères de sélection des candidats à la fonction de juge14 et compte bien que ceux-ci répondront à l’ouverture qui se présente à eux avec l’adoption du PL 8 », a ajouté la Chambre.

Les auditions publiques du projet de loi 8 ont pris fin jeudi. Les députés procéderont au cours des prochaines semaines son étude détaillée.