Un coup de marteau sur la tête et un coup de couteau à une épaule pour un conflit qui n’avait rien à voir avec lui : l’adolescent agressé aux abords de l’école secondaire Calixa-Lavallée, à Montréal-Nord, s’explique mal pourquoi il a été pris pour cible à la sortie des classes, lundi. Préoccupée par le manque de surveillance autour de l’établissement, sa mère appréhende le retour en classe de son fils alors que les suspects sont toujours en liberté.

Gary* ouvre timidement la porte du minuscule appartement de Montréal-Nord où il habite avec ses parents et son frère avant de se rasseoir sur le divan, les bras croisés.

Il se porte mieux, assure le grand gaillard aux larges épaules en levant la manche de son t-shirt. Un bandage recouvre une blessure encore fraîche. Lundi, à la sortie des classes, un groupe de jeunes armés l’a attaqué au terme d’un conflit qui a dégénéré. « J’ai reçu un coup de couteau, en plus du marteau sur ma tête », dit-il.

Sa mère détourne son regard de la télévision, où un pasteur récite une messe en direct de Port-au-Prince. « Je n’ai pas dormi depuis que c’est arrivé. On a vraiment été chanceux », dit-elle en soupirant. Deux jours plus tôt, son fils était dans un état critique, étendu sur un lit d’hôpital. « Tout ça à cause d’une dispute… Je ne comprends pas comment l’école ne surveille pas plus. Ce n’est pas facile pour nous », poursuit-elle avant d’éclater en sanglots.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a procédé mercredi à l’arrestation d’un suspect, un jeune homme de 17 ans. D’après les premières informations transmises par le SPVM, le premier suspect arrêté « n’est pas un étudiant de l’école ». Sa comparution devant un juge du Tribunal de la jeunesse est prévue ce jeudi en début de journée.

Selon l’agente Véronique Dubuc, porte-parole de la police montréalaise, « l’enquête progresse bien et d’autres arrestations sont à venir ». Les autres assaillants, qui n’ont pas encore été arrêtés, ne seraient pas non plus des élèves de l’école. Selon nos informations, il y aurait au total cinq suspects dans cette affaire.

Mme Dubuc a rappelé mercredi que le SPVM avait mis en œuvre « plusieurs actions » dans le secteur de l’établissement scolaire et collaborait étroitement avec sa direction. Des agents sociocommunautaires, des conseillers en développement communautaire ainsi que des membres de l’équipe de concertation et de rapprochement communautaire (ECCR) et de l’équipe multidisciplinaire d’intervention dans les écoles (EMIE) ont été dépêchés sur place pour « rassurer la population ».

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Un bandage recouvre la blessure encore fraîche de Gary.

Un conflit qui dégénère

Tout a débuté avec un conflit entre une élève de l’école Calixa-Lavallée et un autre adolescent, selon Gary. « La fille n’a pas aimé comment le gars lui a parlé. Il l’a prise par le collet. »

Quelques heures plus tard, un groupe de jeunes a suivi un adolescent qui connaît la jeune fille et fréquente le même établissement. Ils avaient d’abord prévu de s’en prendre à lui, selon ce que la victime a appris d’autres élèves. « C’est tout ce que je sais, car je ne les connais pas. »

Le groupe d’assaillants s’est présenté aux abords de l’école. Gary s’est approché par curiosité. Certains étaient armés de couteau, d’autres tenaient des marteaux, décrit le jeune blessé. Plusieurs personnes ont tenté de prendre part à la bataille pour protéger le jeune ciblé.

« Ils m’ont vu courir. Ils devaient penser que j’étais avec le gars », décrit l’adolescent. Il a ensuite glissé par terre. Au sol, il a reçu un coup à la tête, puis un autre au haut du corps. Ce n’est qu’une vingtaine de minutes plus tard qu’il a ressenti une douleur lancinante, alors que son manteau s’imbibait de sang.

Du personnel de l’école s’est occupé de lui à l’intérieur de l’établissement.

Il appréhende d’ailleurs son retour en classe. « Tant qu’ils ne sont pas arrêtés, ils peuvent me trouver et s’en prendre à moi. » Même son frère a pris congé des cours à la suite de l’évènement, dit en soupirant la mère de Gary en essuyant ses larmes.

« Ce n’est vraiment pas facile. Il faut plus de sécurité. Ça ne se peut pas d’être attaqué à l’école. »

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La mère de Gary

Des disputes fréquentes

Mercredi. C’est l’heure du lunch et les élèves s’esclaffent en regardant une vidéo sur TikTok près de l’école. D’autres bravent le froid et courent vers la pizzeria la plus proche. La violente dispute d’il y a deux jours n’est plus le sujet de l’heure : les élèves interrogés par La Presse ont l’habitude des conflits qui se terminent en bagarres, disent-ils.

Une rivalité de longue date entre les élèves de l’école Saint-Exupéry et ceux de « Calix », explique le jeune Anis en haussant les épaules. Il affirme se tenir loin des bisbilles qui dégénèrent. A-t-il peur de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment, comme la jeune victime de lundi dernier ?

« Non. Ça ne m’inquiète pas, car je me tiens avec des gens qui savent se battre. Si ça m’arrive quand je suis tout seul, je vais suivre la loi. » La loi, poursuit Anis, c’est le principe de la « légitime défense ».

« Si ce n’est pas toi qui frappes en premier, tu as le droit de répliquer. Car tu fais juste te défendre », explique-t-il, nonchalant. « Il y a toujours eu des conflits, mais pas au point de donner des coups de marteau », plaide un autre de ses camarades, qui préfère taire son identité pour éviter les tensions. Les suspects, selon sa théorie, sont des élèves d’une « autre école secondaire rivale », ajoute-t-il.

La pause du midi tire à sa fin. Trois patrouilleuses du SPVM surveillent les jeunes. Même s’il ne craint pas d’être impliqué dans une bagarre, Anis l’admet : il pourrait y avoir plus de surveillance près de l’école. « Aujourd’hui, la police fait le tour du bloc, mais d’habitude, il me semble que c’est vide. Les surveillants de l’école, ils sont déjà occupés avec les bagarres à l’intérieur », souligne-t-il en s’éloignant pour aller rejoindre son groupe d’amis.

Des mesures sont mises en place afin de renforcer la surveillance et d’assurer la sécurité des élèves et du personnel, a assuré MValérie Biron, du centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île. « Une équipe de professionnels est présente à l’école afin d’apporter le support nécessaire aux élèves et au personnel qui en ressentiraient le besoin. »

* Prénom fictif

Toute personne possédant des informations en lien avec cette agression est priée de communiquer avec le 911. Il est également possible d’effectuer un signalement de façon anonyme et confidentielle à Info-Crime Montréal au 514 393-1133 ou en ligne.

Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse