Florent Francœur, ex-PDG de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, a-t-il agressé sexuellement une résidente vulnérable d’un CHSLD pendant la pandémie ? La défense maintient qu’il était en train d’enlever la couche de la femme, tandis que la Couronne assure qu’il a plutôt été pris en flagrant délit par une infirmière auxiliaire.

« Son récit a été non équivoque. Elle a été très claire qu’elle a vu les deux mains [de l’accusé] sur les parties génitales. Sa vue était non obstruée », a plaidé mardi le procureur de la Couronne MCharles Doucet au procès pour agression sexuelle de l’homme de 64 ans au palais de justice de Montréal. Selon la Couronne, l’accusé a modifié sa version pendant son témoignage lundi.

Embauché au début de la pandémie dans le cadre de la campagne « Je contribue », Florent Francœur travaillait comme « aide de service » au CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci, dans le nord de Montréal. Il est accusé d’avoir agressé sexuellement pendant son quart de travail une résidente souffrant de graves troubles cognitifs et incapable de parler.

La preuve de la Couronne repose sur le récit de Lucretia Rosean, une infirmière auxiliaire qui prenait soin de la plaignante depuis cinq ans. Jusqu’au 2 août 2020, elle n’avait jamais vu Florent Francœur. Ce jour-là, elle a remarqué que l’accusé était entré plusieurs fois « sans motif » dans la chambre de la plaignante.

Elle a témoigné lundi s’être dirigée vers la chambre en voyant l’accusé s’y enfermer, alors que la plaignante n’avait pas sonné. Au moment d’intervenir, elle sentait que son « cœur » allait sortir. Elle affirme avoir vu les mains de Florent Francœur posées sur les parties génitales de la plaignante, nue. Il n’y avait ni drap ni couche sur le lit.

« Elle ne s’est jamais contredite sur ce qu’elle a vu, qui est extrêmement marquant. Sa vue n’était pas obstruée. Elle pouvait voir. C’est incontestable. Sa réaction, elle est spontanée, elle est immédiate. Elle voit [et dit] : “J’appelle la police”, parce qu’elle voit un geste qui est criminel », a plaidé MDoucet, qui ajoute que l’infirmière auxiliaire n’avait aucun « motif oblique » pour inventer une telle histoire.

Aux yeux de la défense, l’infirmière auxiliaire était au contraire « obnubilée » par son rôle de protection et dans un état « d’énervement avancé », au point de ne pas être capable de « constater » la situation. Ce qu’elle a vu a été « clairement teinté » par le « bruit de fond » au sujet de Florent Francœur, a plaidé MLucie Joncas, de la défense.

Le témoignage de Florent Francœur a été « détaillé, fiable, crédible » et d’une « franchise irréprochable », a affirmé MJoncas. Lundi, l’accusé a raconté être entré dans la chambre, au début de sa ronde, lorsqu’il a vu la plaignante changer sa couche. Il avait comme seule intention de ramasser la couche. Or, un « velcro » de la couche est resté collé sur le corps de la plaignante. Il tentait ainsi de retirer ce « velcro » quand l’infirmière auxiliaire est arrivée.

Le procureur de la Couronne a rétorqué que l’infirmière auxiliaire aurait assurément vu ladite couche si l’accusé l’avait avec lui au moment des faits. De plus, le procureur relève que Florent Francœur a déplacé l’emplacement du « fameux velcro » pendant son témoignage. En effet, l’accusé a d’abord dit qu’il était collé au « côté de la cuisse » de la plaignante, puis a indiqué qu’il était situé au « bas du dos ».

Pour démontrer le caractère « évolutif » du témoignage de l’accusé, MDoucet a relevé le fait que la chambre de la plaignante était devenue « sombre » pendant le contre-interrogatoire, alors que c’était l’heure du midi au mois d’août. « Il argumentait, il avait une réponse à tout », a plaidé MDoucet.

Le procureur a aussi mentionné la « façon méprisante » de l’accusé de surnommer la plaignante « la Reine de la cloche », une femme pourtant « extrêmement vulnérable ». Il a également noté que Florent Francœur a indiqué que la plaignante aurait pu « crier » s’il l’avait agressée. « On tombe dans les vieux stéréotypes », a estimé MDoucet.

Dirigeant pendant deux décennies de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, Florent Francœur a été radié à vie de son ordre en 2018 pour avoir eu des relations intimes avec plusieurs employées sous sa supervision. Il lui arrivait d’avoir des relations sexuelles avec des femmes sur son lieu de travail.

Le juge Martin Chalifour rendra sa décision en mars prochain.