Un homme qui s’était porté volontaire pour prêter main-forte en CHSLD au pire de la pandémie en aurait profité pour agresser sexuellement une résidante extrêmement vulnérable. Florent Francœur, ex-PDG de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, a nié avoir commis ce crime lundi à son procès pour agression sexuelle.

Lucretia Rosean est catégorique : elle a vu Florent Francœur en train de « toucher les parties génitales » de la plaignante, le 2 août 2020. « Elle avait les jambes écartées. La main était là », a témoigné l’infirmière auxiliaire en mimant la position de la main de l’accusé.

La plaignante souffre de nombreux maux : paralysie du côté droit, aphasie sévère et troubles cognitifs sévères. Elle ne communique qu’en bougeant un bras et en clignant les yeux. Lucretia Rosean prenait soin d’elle depuis quelques années au CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci, dans le nord de Montréal.

Ce jour-là, Lucretia Rosean avait remarqué que Florent Francœur était entré à plusieurs reprises « sans motif » dans la chambre de la plaignante.

C’était la première fois qu’elle voyait cet « aide de service » embauché pendant la pandémie. Quand elle l’a vu entrer, puis fermer la porte, alors que la femme n’avait pas sonné pour réclamer de l’aide, Lucretia Rosean est allée vérifier.

« Il touchait les parties génitales, sans gant. Il n’y avait pas de drap, pas de culotte. […] J’ai commencé à crier. J’ai dit : “Sortez de la chambre, je vais appeler la police !” Il était surpris, il a vite retiré sa main. Il a fait un geste pour nettoyer ses mains sur son pantalon », a raconté avec aplomb l’infirmière auxiliaire.

Radié à vie en 2018

Grand patron pendant deux décennies de l’ordre professionnel de 12 000 travailleurs des ressources humaines, Florent Francœur a été radié à vie de son ordre en 2018 pour avoir eu des relations intimes avec plusieurs employées sous sa supervision.

Au printemps 2020, Florent Francœur a répondu à l’appel du premier ministre François Legault en s’inscrivant à la plateforme « Je contribue » pour travailler dans le réseau de la santé pendant la première vague de COVID-19. À l’époque, il manquait tellement de bras que le gouvernement embauchait des gens sans formation.

« J’étais un retraité qui était venu donner un coup de main pendant la pandémie », résume-t-il.

Florent Francœur est devenu « aide de service » au CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci. Il s’est proposé pour travailler en « zone chaude », où se trouvaient les résidants atteints de la COVID-19. « Quand je suis arrivé, c’était vraiment une zone de guerre », relate-t-il.

Ses tâches constituaient à faire une tournée des chambres, à nourrir les résidants et à faire des appels téléphoniques entre les résidants et leurs proches. Florent Francœur raconte qu’il pouvait prendre jusqu’à une heure pour nourrir un seul résidant.

À la mi-juillet, Florent Francœur est déplacé dans l’aile de la plaignante. Celle-ci sonnait toutes les 15 minutes pour de nombreuses raisons, dit-il, en la surnommant la « reine de la cloche » en contre-interrogatoire. « Elle nous pointait les couches pour nous montrer qu’il en manquait. Elle était capable de nous pointer tous ses besoins », soutient l’accusé.

Le 2 août, vers midi, Florent Francœur amorce sa ronde des chambres quand il aperçoit la plaignante en train de se changer, allongée sur son lit. Il décide d’aller ramasser la culotte d’incontinence, puisqu’il devra le faire tôt ou tard.

Il met des gants, entre dans la chambre et tente de ramasser la culotte. Or, le velcro de la culotte est resté « collé sur le “milieu du dos” de la dame, dit-il. L’infirmière auxiliaire est arrivée alors qu’il tentait de tirer sur le velcro.

« En aucun cas, je n’ai touché aux parties génitales de Madame. Je répète, j’ai touché au côté extérieur de la cuisse pour enlever le diachylon », a-t-il assuré. Il convient que les parties génitales de la plaignante étaient « exposées », mais ce n’était rien de « significatif » dans le cadre de son travail.

« Des soupçons »

Le contre-interrogatoire a permis d’apprendre que plusieurs employés avaient des « soupçons » à l’égard de Florent Francœur. Sa supérieure l’avait d’ailleurs rencontré, parce qu’il allait « trop souvent » dans la chambre de la plaignante, a affirmé le procureur de la Couronne MCharles Doucet. L’accusé a également nié avoir demandé de faire les « soins d’hygiène » de la femme, comme l’a indiqué le procureur.

Dans un échange tendu, Florent Francœur a lâché que la plaignante ne s’était pas débattue et n’avait pas crié, alors qu’elle aurait « facilement pu exprimer son dégoût ». « Elle ne parle même pas ! », s’est exclamé MDoucet. « Elle aurait pu crier », a rétorqué l’accusé.

« Peut-être qu’elle savait très bien que vous alliez faire des attouchements parce que vous l’aviez déjà fait ? », a alors demandé le procureur.

« Je peux jurer devant Dieu que je n’ai jamais touché aux parties génitales de Madame », s’est défendu l’accusé, représenté par MLucie Joncas.

Les plaidoiries sont prévues ce mardi devant le juge Martin Chalifour.