Même si la Cour du Québec vient de statuer pour une énième fois que les Hells Angels constituent une organisation criminelle, il n’est jamais simple pour les autorités de confisquer des vêtements et objets à l’effigie du groupe.

Dans une décision attendue, une juge de la Cour du Québec a ordonné mercredi la confiscation des vestes de certains membres des Hells Angels et de leurs clubs-écoles, mais pas leurs bijoux pourtant à l’effigie de leur groupe.

La magistrate a aussi ordonné la confiscation de sommes d’argent, mais pas toutes, car il lui manquait des éléments de preuve dans certains cas, a-t-elle souligné.

Les vêtements, objets et sommes d’argent dont la Poursuite réclamait la confiscation ont été saisis par les enquêteurs de la Sûreté du Québec durant une enquête baptisée Orque qui ciblait notamment un réseau de trafic de stupéfiants qui opérait dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu et qui relevait des Hells Angels de la section de Trois-Rivières.

Durant l’enquête, les limiers ont effectué une descente dans le local des Hells Angels de Trois-Rivières à Saint-Cuthbert le 7 décembre 2018, ont surpris en pleine rencontre des membres de l’organisation et de leurs clubs-écoles qui arboraient leur veste et des bijoux et les ont saisis.

Aucun de ces individus n’a été accusé ni même était visé au début de l’enquête, mais la Poursuite a tout de même demandé la confiscation des biens qui étaient selon elle « teintés par la criminalité ».

La Poursuite a notamment allégué qu’il n’est pas nécessaire que le bien infractionnel soit en possession de l’auteur de l’infraction désignée et qu’elle n’a pas à démontrer que le bien est lié à un crime précis.

En revanche, la Défense a notamment plaidé que la Poursuite doit prouver le lien entre les biens et une infraction désignée au Code criminel.

Des outils de promotion

L’expert des motards de la Sûreté du Québec Alain Belleau a témoigné durant les procédures.

Qualifiant son témoignage de fiable, la juge Dominique Joly de la Cour du Québec a conclu que les Hells Angels sont une organisation criminelle qui se livre à des activités criminelles – dont le trafic de stupéfiants –, que les vestes et les sigles sur les vestes sont un outil de promotion de leurs activités criminelles, que cela est « manifestement antisocial » et que même si la preuve ne démontre pas qu’un acte criminel précis a été commis au moment de la perquisition, les biens portés lors de la rencontre sont reliés à une organisation criminelle, sont teintés par la criminalité et doivent être confisqués.

En revanche, au sujet des bijoux, épinglettes et boucles de ceinture à l’effigie des Hells Angels saisis à la même occasion, la juge dit que ces items sont remis uniquement à un membre par l’organisation, que rien dans la preuve ne démontre qu’ils sont autre chose qu’un bien appartenant à un Hells Angels, qu’ils sont plutôt utilisés comme objets de « fierté et d’appartenance », et « que l’appartenance à une organisation criminelle n’est pas un crime en soi ».

Ajoutant que le législateur « a refusé d’adopter un projet de loi visant la criminalisation de signes reliés à une organisation criminelle », la juge conclut qu’il n’y a pas de preuve hors de tout doute que ces objets sont teintés par la criminalité et a ordonné qu’ils soient remis à leur propriétaire.

Dispute embarrassante

Dans le reste de sa décision, la juge Joly ordonne autant la confiscation que la remise de sommes d’argent.

Elle ordonne notamment la confiscation d’une forte somme reliée au Hells Angels Pascal Facchino. La preuve reposait notamment sur des propos tenus lors d’une dispute orageuse avec sa conjointe que les enquêteurs ont interceptée grâce à l’écoute.

La juge Joly ordonne également la confiscation de vestes des Hells Angels en confection et de 240 écussons à l’effigie de la section South saisis dans le commerce Urban Media du secteur LeMoyne à Longueuil, en décembre 2018.

En revanche, elle permet la remise d’une forte somme d’argent trouvée dans le commerce et qu’elle associait au Hells Angels Frédéric Landry-Hétu.

La Poursuite était représentée par MHan-Catherine Morin et MPatrick Ostiguy du Bureau de la Grande criminalité et des Affaires spéciales alors que la Défense était assurée par Mme Mylène Lareau et MMarc-Antoine Rock.

« Nous évaluons la possibilité d’en appeler de cette décision après analyse et consultations avec nos clients », a déclaré à La Presse MMylène Lareau.

Les procureurs ont dit qu’ils voulaient d’abord analyser le jugement avant de réagir.

Pour sa part, la Sûreté du Québec serait satisfaite du jugement selon nos sources.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.