Un artiste en arts visuels et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pendant plus de 15 ans s’en est tiré vendredi avec une peine très clémente de huit mois de prison. Avec ses histoires de pornographie juvénile, Robin Dupuis nourrissait des pédophiles sur le web.

« Il y a une expression en anglais : Take the money and run », a lancé le juge Salvatore Mascia, lorsque l’avocat de Robin Dupuis a commencé à remettre en question la suggestion commune de peine que venaient pourtant de présenter les parties. « Moi aussi, je m’attendais à un autre chiffre », a alors lâché le juge.

À trois reprises, le juge a fait savoir à Robin Dupuis combien la peine suggérée de huit mois de prison n’était pas sévère. « C’est la peine minimale. On aurait facilement pu me proposer un chiffre beaucoup plus élevé », a-t-il insisté. Mais comme cette peine située dans le « bas de l’échelle » n’est pas « déraisonnable », le juge l’a entérinée. Un arrêt de la Cour suprême de 2016 oblige les juges à entériner pratiquement toutes les suggestions communes.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UQAM

Robin Dupuis

Robin Dupuis était chargé de cours à l’école des arts visuels et médiatiques de l’UQAM depuis janvier 2004, selon son CV publié sur le site de l’UQAM. Son profil de chargé de cours, qui était toujours en ligne en journée vendredi même s’il n’enseigne plus à l’Université, avait disparu du site en soirée.

« L’UQAM prend très au sérieux les chefs d’accusation à l’encontre de M. Dupuis et des mesures ont été prises dans ce dossier. Je vous informe que ce dernier n’enseigne pas de cours depuis l’hiver 2021 », a commenté Jenny Desrochers, la directrice des communications de l’UQAM.

Les accusations de production et de possession de pornographie juvénile ont été déposées en octobre 2018.

Membre fondateur du collectif Perte de signal, Robin Dupuis se spécialise depuis les années 2000 dans les arts médiatiques. Il n’est cependant pas une figure de proue du milieu des arts visuels. « L’artiste s’ingénie à créer des constructions précises, des environnements fabriqués de toutes pièces et des explorations qui exploitent les possibilités de la plate-forme numérique », peut-on lire sur le site de l’UQAM.

Des « fantasmes imaginaires » non sans victimes

L’artiste montréalais de 49 ans a plaidé coupable en octobre dernier à une accusation de possession de pornographie juvénile, déposée par voie sommaire, donc de nature moins grave. Les faits précis pour lesquels il a reconnu sa culpabilité n’ont pas été précisés lors de l’imposition de la peine.

L’avocat de la défense, MRené Labrosse, a dit en résumé que Robin Dupuis créait des « avatars » sur un « site spécialisé dans le domaine ». Le procureur de la Couronne, Me Jérôme Laflamme a cité comme « facteur aggravant » le « modus operandi » de Robin Dupuis.

« Il crée plusieurs profils sur l’application, il nourrit et suscite des discussions et la transmission de messages, de fichiers, à travers les personnes qui avaient cette préférence [sexuelle] », a-t-il expliqué.

Pour justifier une peine aussi clémente, MLaflamme a fait valoir l’accusation de nature sommaire, le risque de récidive « faible » de l’accusé et les rapports « positifs ».

MLabrosse a tenu des propos étonnants pendant l’audience en soulignant qu’il ne fallait pas « oublier qu’il n’y a pas eu de victimes ». « C’était plutôt au niveau des fantasmes imaginaires », a-t-il ajouté. Le juge Mascia n’a pas réagi à ces propos.

Or, la jurisprudence est claire à ce sujet : la pornographie juvénile n’est jamais un crime sans victimes. Des dizaines de décisions rendues au Québec dans les dernières années dans des causes de nature similaire en font état.

« Il s’agit vraisemblablement d’une si grande évidence qu’il est presque inutile de le rappeler, mais les crimes reliés à la pornographie juvénile ne sont pas des crimes sans victime », écrivait le juge Serge Champoux de la Cour du Québec en janvier 2022.

« Cette activité permet de maintenir et d’alimenter des fantasmes déviants. Elle crée l’impression de rendre acceptable l’inacceptable », avait insisté le juge Alexandre Dalmau en 2018.

L’accusé était également représenté par MMichael Morena.