Un conseiller bancaire de la Banque Royale du Canada qui a pigé pendant des mois dans les économies d’une cliente vulnérable de 87 ans et d’une succession pour nourrir sa dépendance au jeu risque jusqu’à deux ans de prison. Karim Skakni se défend toutefois d’avoir voulu s’enrichir par cette fraude de 235 000 $.

« J’ai tout simplement vu une opportunité sans même réfléchir deux secondes. Je me suis servi, tout simplement, dans ce qui était devant moi. Cet argent a été complètement dilapidé par le jeu », a affirmé le fraudeur lors des observations sur la peine, le 4 avril dernier, au palais de justice de Montréal. L’homme de 37 ans a plaidé coupable à une accusation de fraude en juillet 2021.

En 2016, Karim Skakni était conseiller en service bancaire depuis six ans à la Banque Royale du Canada. Il n’avait qu’un « seul critère » pour cibler ses victimes : ceux qui ne « faisaient pas de suivi », a-t-il avoué devant la cour. C’est ainsi qu’il a encaissé sept placements d’environ 100 000 $ appartenant à une cliente octogénaire, maintenant décédée. Il a empoché cette somme en effectuant une cinquantaine de petits retraits au fil des mois.

Retraits suspects

Ce sont d’ailleurs deux retraits suspects de 1000 $ et de 2200 $ qui ont alerté la fille de la victime en septembre 2016. Inquiète qu’on abuse de sa mère, elle a communiqué avec Karim Skakni à la succursale de la rue Sherbrooke, mais celui-ci ne l’a pas rappelée. Quelques jours plus tard, le fraudeur a débarqué chez la victime et confessé ses crimes.

Pour rembourser 91 000 $ à la victime, le conseiller financier s’est servi à même le compte de la succession d’une autre cliente de la banque, morte trois mois plus tôt.

À la suite de sa confession, Karim Skakni n’est jamais retourné à la banque, qui l’a congédié pour vol en février 2017.

Pour cette fraude de 235 000 $, la peine devrait se situer entre 18 et 24 mois de détention, compte tenu des facteurs aggravants, selon la poursuite. « On parle de plus d’un client, d’une tentative de camouflage en prenant l’argent d’un autre client et d’un abus de confiance contre une personne âgée. C’est un employé d’une banque, il jouit d’une certaine crédibilité », a plaidé la procureure de la Couronne MÉmilie Robert.

De plus, le crime de Karim Skakni démontre une « planification », puisqu’il choisissait des clients au « profil plus facile », a fait valoir MRobert, qui demande d’imposer une ordonnance de remboursement au fraudeur.

« Il a tout perdu », plaide la défense

La défense réclame 90 jours d’emprisonnement à purger les fins de semaine, assortis d’une probation de trois ans, afin de lui permettre de garder son emploi. Pour justifier cette peine clémente, MMathieu Bédard insiste sur les problèmes de jeu de son client, qui suit depuis une thérapie.

« C’est un jeune individu, qui n’a pas d’antécédent judiciaire, qui a fait une erreur de parcours, qui a avoué sa faute, qui se dit prêt à rembourser sa victime. Il a tout perdu. Il a perdu son emploi, il a perdu sa carrière », a plaidé Me Bédard.

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Karim Skakni et son avocat, MMathieu Bédard

« Notre conseiller financier à la banque a accès à beaucoup de choses sur notre vie, notre argent. Le lien de confiance doit être fort », a commenté le juge Alexandre Dalmau pendant les plaidoiries.

Karim Skakni jure qu’il n’a jamais voulu garder l’argent pour s’enrichir. S’il a volé ce magot, c’est qu’il voulait se « refaire un coussin » en jouant au casino, puis redéposer les fonds, ni vu ni connu. « J’ai été aspiré dans une spirale vicieuse », insiste-t-il. Depuis plusieurs années, il se retrouvait sans le sou à force de flamber ses payes au casino.

« C’est une dépendance qui m’animait. Je ne vivais que pour ça. Je ne respirais que pour ça. Je pensais juste à ça. J’avais des horaires pour jouer. J’étais pris dans ce cercle. Cette spirale, ça m’a pris énormément de temps pour m’en sortir. Ça m’a empêché de penser logiquement, alors que ce ne sont pas des valeurs que j’ai en moi », a-t-il témoigné.

Karim Skakni assure avoir surmonté son problème de jeu grâce à la thérapie. Il ajoute être « rongé de l’intérieur » par la culpabilité. Il éprouve de « profonds regrets », au point d’avoir de la difficulté à se « regarder dans le miroir ». « Je m’excuse sincèrement pour ce que j’ai fait », a-t-il lancé.

Devant son comité de discipline, Karim Skakni a été radié de façon permanente par la Chambre de la sécurité financière en juin 2021 pour s’être approprié des sommes appartenant à quatre clients. Il a notamment volé 2600 $ à une femme de 74 ans qui résidait aux États-Unis.

Le juge rendra sa peine en juin prochain.