Un individu condamné pour le meurtre d’un client innocent d’un café commis à Montréal en 2016 aura droit à un nouveau procès. Une juge de la Cour d’appel a conclu que le magistrat de première instance a erré en droit en admettant une preuve de « conduite indigne » qui pourrait avoir nui à l’accusé, Jeff Joubens Theus, déclaré coupable de meurtre au premier degré par un jury en mars 2019.

La victime dans cette affaire, Angelo D’Onofrio, 72 ans, était attablé paisiblement au café Hillside, rue Fleury, comme il le faisait tous les jours, le 2 juin 2016, lorsqu’il a été abattu de plusieurs balles par un individu qui l’a confondu avec un membre de la mafia montréalaise.

Dans les mois qui ont suivi, les enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM ont lancé une importante enquête baptisée Mazout, pour élucider cet assassinat et d’autres crimes.

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Jeff Joubens Theus en 2017

Plusieurs individus ont été arrêtés l’année suivante, dont Theus, qui a été condamné à la prison à vie, sans admissibilité à une libération conditionnelle avant 25 ans, après avoir été reconnu coupable de meurtre au premier degré.

Conversation litigieuse

Mais durant le procès, la poursuite a diffusé une conversation captée par la police et tenue 11 mois après le meurtre de M. D’Onofrio entre un individu et Theus, au cours de laquelle ce dernier a dit, en parlant d’une tierce personne : « il était dans les couches pis j’tirais du monde déjà ».

En portant le plaidoyer de culpabilité en appel, la défense a notamment fait valoir que cette déclaration est une preuve de conduite indigne qui aurait dû être écartée de la preuve.

« Rien dans la preuve ne relie la déclaration de l’appelant (Theus) au meurtre reproché, si ce n’est l’emploi du verbe tirer qui dénote une similitude. […] Pour conclure que l’appelant parlait implicitement du meurtre de M. D’Onofrio, le jury devait forcément faire une mauvaise utilisation de cette preuve. Il ne pouvait que spéculer ou se dire que parce qu’à une époque indéterminée, l’appelant tirait du monde déjà, il a vraisemblablement tiré sur M. D’Onofrio, donc il devait parler de ce meurtre. Ce sont là des inférences que le jury ne pouvait pas tirer. […] La mise en garde du juge (au jury) n’a pas permis d’éliminer le risque de préjudice moral que comportait l’admissibilité de la déclaration. Au contraire, elle invitait le jury à suivre un raisonnement défectueux », écrit notamment la juge Suzanne Gagné de la Cour d’appel dans sa décision.

Outre sa peine à perpétuité qui vient de tomber, Theus purge actuellement une peine de huit ans imposée en novembre 2020 pour une affaire d’invasion de domicile.

En soustrayant la période passée en détention préventive, il aura bientôt purgé les deux tiers de cette peine, et on ignore s’il pourrait recouvrer sa liberté en attendant la tenue de son nouveau procès pour le meurtre de M. D’Onofrio.

« Nous sommes satisfaites de la décision de la Cour d’appel », s’est contentée de déclarer à La Presse MÉlizabeth Ménard, qui représente Theus avec MAudrey-Bianca Chabauty.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.