Depuis presque deux ans, un médecin montréalais continue à pratiquer la gynécologie, notamment à l’Hôpital général juif, alors qu’il est accusé au criminel d’avoir agressé sexuellement une femme.

Personne n’en informe ses patientes, une situation dénoncée par un chien de garde du réseau de la santé.

Hing-Sang Hum a été accusé par une femme de lui avoir caressé le clitoris pendant une biopsie douloureuse, en août 2018, prétendument pour la soulager.

Le médecin de 64 ans a fait l’objet d’un mandat d’arrêt et a été formellement accusé au criminel à l’été 2019. Son enquête préliminaire a eu lieu l’automne dernier et son procès est prévu pour mars.

Dans l’intervalle, le DHum n’a jamais perdu le droit d’exercer la médecine. Cette semaine, le réceptionniste de son cabinet médical du quartier Côte-des-Neiges a confirmé qu’il continuait à voir des patientes et qu’il continuait à pratiquer à l’Hôpital général juif.

Hing-Sang Hum a fait l’objet d’accusations disciplinaires pour les mêmes faits. La plaignante a expliqué au conseil de discipline avoir subi une biopsie de l’utérus extrêmement douloureuse. La nuit suivante, elle a rapporté avoir eu un flashback qui lui a rappelé que le DHum lui aurait caressé le clitoris pendant l’intervention en lui disant : « Vous vous sentez mieux maintenant ? » Elle a aussitôt noté les détails de ses allégations dans un message texte envoyé à des proches.

Le mois dernier, le conseil de discipline du Collège des médecins a acquitté le DHum.

« Le Conseil considère la patiente et l’intimé crédibles bien qu’ils offrent des versions différentes », indique sa décision datée du 5 décembre. Les trois membres du conseil de discipline estiment que dans la mesure où aucune des versions n’était plus crédible que l’autre, le médecin doit être acquitté. « La plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve et n’a pas présenté une preuve claire et convaincante que l’intimé a posé un geste abusif à caractère sexuel. »

Le Collège des médecins a porté cette décision en appel devant le Tribunal des professions.

L’hôpital ne savait pas

À l’Hôpital général juif, on ignorait jusqu’à cette semaine que le DHum était accusé au criminel, a confirmé le porte-parole Carl Thériault. L’établissement n’en informait donc pas ses patientes.

« Règle générale : les établissements de santé ne sont pas avisés par le Collège des médecins du Québec des accusations criminelles portées contre les médecins », a-t-il indiqué par courriel. « En revanche, l’établissement est toujours informé lorsqu’un médecin fait l’objet d’un verdict de culpabilité ou d’une peine/sentence imposée au criminel à un médecin lorsque cela a un impact sur son permis de pratique. »

L’hôpital n’a pas voulu indiquer si le statut du médecin a été modifié maintenant que l’organisation est informée de l’existence de l’accusation criminelle.

« Notre établissement a des mesures de prévention et de sécurité en place afin de prévenir que ce type d’évènement ne se produise dans nos installations », a-t-il ajouté. « Par exemple, en gynécologie, nos protocoles prévoient la présence d’une infirmière lors des examens. »

Hing-Sang Hum n’a pas rappelé La Presse. Son avocat pour le volet disciplinaire des procédures, MMarc Dufour, n’a pas voulu commenter le dossier, sinon pour souligner que son conseil de discipline l’avait acquitté. « Il n’a pas été radié provisoirement. Il n’a pas fait l’objet d’une ordonnance », a-t-il dit en entrevue téléphonique. « Qu’il voie ou non des patients, je ne vois pas l’intérêt. »

MNadine Touma, son avocate pour le volet criminel des procédures, assure que son client est innocent. « Il est présumé innocent. Il va contester vigoureusement l’accusation », a-t-elle déclaré à La Presse. « Les faits reprochés sont vivement contestés. »

« Elles ont le droit de savoir »

Au Collège des médecins, on confirme qu’aucune radiation provisoire n’a été demandée contre le DHum pendant que les procédures étaient en cours contre lui.

« Lorsque des accusations criminelles sont déposées envers un médecin, le Collège en est informé et la décision de mener enquête et de porter plainte au conseil de discipline est analysée au cas par cas », a indiqué le service des communications de l’organisation. « La demande de requête en radiation provisoire n’est pas systématique et est elle aussi analysée selon la teneur des allégations. »

L’ordre professionnel n’alerte pas les patients d’un médecin accusé au criminel. « Le Collège remplit son devoir d’informer le public de toutes les sanctions et les décisions qui sont rendues [par lui-même] à l’endroit des médecins sur son site web », a continué l’organisation.

Mais pour Paul Brunet, du Conseil pour la protection des malades (CPM), les femmes qui passent dans la salle d’examen du DHum devraient être informées qu’il est sur le point d’être jugé pour agression sexuelle.

« Je crois qu’elles ont le droit de savoir qu’il est accusé », a-t-il dit, tout en soulignant que le médecin était présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. M. Brunet dénonce aussi « le déséquilibre » entre les ressources des médecins, assurés et défendus par d’excellents avocats, et celles des plaignants.

Antécédents

Début 2020, le DHum avait tenté d’obtenir plusieurs ordonnances qui auraient rendu le processus disciplinaire totalement opaque. Le conseil de discipline lui a toutefois refusé cette possibilité, se contentant de caviarder les passages de sa décision qui rapportent les propos du médecin (puisqu’il n’a pas l’obligation de témoigner à son procès criminel).

Le contenu de l’enquête préliminaire tenue l’automne dernier devant la juge Mélanie Hébert est frappé par une ordonnance de non-publication.

Le DHum a récemment eu d’autres problèmes avec son ordre professionnel. En 2017, il a été condamné à une lourde amende pour avoir versé 36 000 $ à des collègues médecins qui lui adressaient des patientes. Les bénéficiaires de ces fonds – notamment un membre du conseil d’administration du Collège des médecins – ont aussi comparu devant leur conseil de discipline et mis à l’amende.

Son avocat avait alors plaidé qu’il ne s’agissait pas de ristournes ou de pots-de-vin, mais simplement d’une façon de faire partager le succès de sa clinique.