Un proxénète psychopathe condamné à une rarissime peine à durée indéterminée souhaite obtenir sa libération conditionnelle pour être renvoyé dans sa Russie natale. Même après 10 ans derrière les barreaux, Evgueni Mataev continue de nier avoir fait de sa victime une esclave sexuelle et évoque vaguement son « impulsivité » pour justifier sa violence.

« Les gens vivent. Les gens vieillissent », a philosophé Evgueni Mataev dans un anglais rudimentaire au fort accent russe, mercredi, devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC). « Je n’avais pas les idées claires [my head was not straight], dehors. C’est de l’argent facile. C’est une vie facile », a expliqué le Russe à la barbe grisonnante.

Les crimes commis par Evgueni Mataev sont particulièrement sordides. Sa victime, une jeune Américaine, était sa « gangsta bitch » en 2010 à Montréal. En pratique, elle était son esclave sexuelle et devait se soumettre à d’immondes sévices sexuels. Pendant une fête, la jeune femme a notamment été violée par 30 à 40 hommes, dont Mataev.

Pendant ces mois d’enfer, Mataev disait faire partie du crime organisé et portait une arme à feu. Un soir de janvier 2011, à Côte-Saint-Luc, le psychopathe a poignardé un homme dans le cou parce qu’il était furieux qu’il ait eu une relation sexuelle avec « sa bitch ». « Tu vois ce que je fais quand on me fait quelque chose ? Tu vois ce dont je suis capable ? », hurlait alors Mataev. C’est la jeune femme qui a dû nettoyer la flaque de sang.

Délinquant dangereux

Reconnu coupable en 2014 de proxénétisme et de voies de fait graves au terme de son second procès, Evgueni Mataev a reçu en 2016 l’étiquette de délinquant dangereux, réservé aux pires criminels. Il purge depuis une peine à durée indéterminée.

En janvier 2018, la CLCC a refusé de le libérer en raison de sa dangerosité élevée.

« Avez-vous obligé la victime à avoir des rapports sexuels ? […] Elle n’a jamais été violée ? » À ces questions, Evgueni Mataev avait répondu par la négative, avec un rictus moqueur. « J’ai fait de mauvais choix. J’ai fait des erreurs. Mon état d’esprit n’était pas bon à ce moment-là », avait-il justifié, au sujet de sa responsabilité.

Evgueni Mataev assure être maintenant capable de tourner le dos à sa vie criminelle. Pour ce faire, il doit éviter certaines situations sensibles (trigger situations), dit-il. « Je fais de mon mieux pour ne pas retomber dans la criminalité. […] Maintenant, je peux demander de l’aide, je n’ai pas besoin d’être ivre. Je dois travailler sur moi-même », a-t-il déclaré. Des explications « très vagues », selon les commissaires.

« Comment une personne va vous déclencher [trigger] ? », lui a demandé la commissaire Véronique Buisson.

Disons que j’ai une mésentente avec quelqu’un. Je peux parler avec mon agent de probation, voir un psychologue ou je peux voir un criminel. [Il va me dire] : “OK, va poignarder ce gars. Va le battre.” Cette personne va me déclencher.

Evgueni Mataev, à la CLCC

Le programme d’aide suivi par le délinquant semble toutefois avoir eu un effet limité, puisqu’il a continué à s’impliquer dans la contrebande de drogue derrière les barreaux. « C’est ce qu’ils disent. It’s he said, she said. Je ne vends pas de drogue », a-t-il nié.

Visé par une mesure d’expulsion

Evgueni Mataev est visé par une mesure d’expulsion depuis 2003. Or, pendant des années, Moscou refusait de le reconnaître comme un citoyen russe. Ce n’est plus le cas, a-t-on appris mercredi. Ainsi, selon son avocat, Me Pierre Tabah, il est « certain à 100 % » que Mataev sera expulsé du Canada s’il obtient sa libération conditionnelle.

Le résultat réel, c’est qu’un jour, M. Mataev sera renvoyé en Russie, qui a accepté de le reprendre. Il n’y a aucune chance qu’il [reste] au Canada.

Me Pierre Tabah, avocat d’Evgueni Mataev

De retour en Russie, Mataev prévoit travailler dans une entreprise familiale à Moscou. « Un plan très vague et irréaliste », aux yeux de son équipe de gestion de cas.

Qu’il soit au Canada ou en Russie, la CLCC doit d’abord déterminer si le risque qu’il représente sera gérable à sa sortie, a expliqué le commissaire Denis Lévesque. « Ce n’est pas un cas simple », a-t-il ajouté. La décision a donc été prise en délibéré.