Fouillés à nu en prison alors qu’ils venaient d’être libérés par un tribunal, d’anciens détenus peuvent maintenant réclamer 1000 $ par fouille « dégradante et injustifiée » subie, grâce à une action collective. Mais le temps file à toute vitesse pour obtenir réparation, prévient le superviseur de l’action.

« J’ai senti que mes droits avaient été brimés », lance Steeve Quirion, au sujet des quatre fouilles à nu subies durant la période visée par l’action collective, soit du 13 juillet 2006 au 1er juillet 2011. « Quand je rentrais en prison, je comprenais qu’ils me fouillent, explique ce dernier, actuellement en maison de thérapie. Mais quand je sortais, pour moi, ça n’avait aucun sens. »

Outre M. Quirion, l’action collective concerne toute personne fouillée à nu alors qu’elle venait récupérer ses effets personnels en prison, et ce, après avoir été libérée par un tribunal, explique Sylvie Bordelais, vice-présidente de l’Association des avocates et avocats en droit carcéral du Québec (AAADCQ). Étant donné que ces gens avaient été fouillés le matin avant de se présenter devant la cour et qu’ils étaient maintenant libres, cette pratique était « injustifiée » et « dégradante », soutient Mme Bordelais.

L’action collective ne touche que les détenus libérés sous condition, précise Kevin Adou, superviseur du recours. Les personnes concernées peuvent ainsi réclamer 1000 $ par fouille, à raison d’une par jour. Ces indemnisations découlent d’une entente approuvée par la Cour supérieure le 19 avril dernier, qui stipule que la somme de 4 144 950 $ doit être versée par le gouvernement. Les prisons visées sont celles de Rivière-des-Prairies, Roberval, Saint-Jérôme, Bordeaux et Québec (secteur masculin).

Des séquelles psychologiques

Des années plus tard, M. Quirion se rappelle le sentiment ressenti après avoir été fouillé à nu. « Pourquoi me font-ils ça, est-ce qu’ils rient de moi ? se questionnait-il alors. Me veulent-ils du mal ? »

Pour Nicolas Paquin, qui dit avoir vécu la même situation trois ou quatre fois, ces fouilles à nu le faisaient sentir « comme un moins que rien ».

Sans compter l’incompréhension. « Je me suis dit : pensent-ils que je vais voler le papier de toilette ? », plaisante M. Paquin.

Ces fouilles laissent des « séquelles psychologiques », soutient Kevin Adou. « Il y a plusieurs personnes qui ont été traumatisées », poursuit-il. Mais pour recevoir réparation, le temps file, indique M. Adou. La période de réclamation entamée en juillet dernier prendra fin le 16 janvier prochain. D’ici là, il souhaite joindre le plus de gens touchés par ces pratiques illégales.

PHOTO ROBERT SKINNER, LAPRESSE

Nicolas Paquin, ancien détenu

Remettre en question les gestes « dégradants »

Puisque la Cour a tranché en faveur de Roger Léonard, qui a mené l’action collective après avoir lui-même était fouillé à nu en prison alors qu’il était libre, ces gestes devraient en principe ne plus avoir lieu, explique Kevin Adou.

S’il est soulagé de pouvoir être indemnisé, Steeve Quirion se dit révolté que des gens comme lui aient subi ces fouilles à nu illégales. D’autant que certaines personnes concernées étaient vulnérables, ajoute-t-il. « Ça m’est arrivé à moi et j’ai toute ma tête, dit-il. Imagine ceux qui ont des maladies mentales et qui se font manger la laine sur le dos. »

Mme Bordelais souhaite que l’action collective change les mentalités du milieu carcéral à long terme.

J’espère qu’en ayant à payer, les services correctionnels du Québec vont analyser les gestes qu’ils posent de façon automatique, afin de s’assurer qu’ils sont nécessaires.

Sylvie Bordelais, vice-présidente de l’Association des avocates et avocats en droit carcéral du Québec

Le syndicat des agents correctionnels n’a pas donné suite à la demande d’entrevue de La Presse.

Toute personne qui croit être admissible à l’indemnisation peut remplir le formulaire de réclamation à l’adresse suivante : https://www.asrsq.ca/recours-collectif ou en obtenir un auprès de l’administrateur des réclamations, en composant le 1-888-FOUILLE (368-4553).

10 000 $

Somme maximale qu’une personne peut réclamer dans le cadre de l’action collective pour des fouilles à nu illégales

Source : Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ)