La Cour supérieure autorise le lancement de l’action collective contre Vigi Santé « pour compenser la douleur, la souffrance, le stress » que les résidants du CHSLD Vigi Mont-Royal ont vécus en lien avec la vague d’infections et de décès survenue au printemps 2020.

Le juge Donald Bisson a en effet accueilli mercredi la demande d’action collective qui avait été déposée en juin 2020 par la succession d’Olga Sarlis, décédée le 28 avril dans ce CHSLD à 91 ans dans des conditions jugées « inacceptables ».

Dans son jugement, le tribunal reconnaît que l’employeur a manqué à certaines obligations, dont celle « de protéger la vie, la santé, la sécurité, la dignité et le bien-être des résidants », et lui reproche de n’avoir pas « fourni à son personnel un équipement de protection individuelle adéquat et sécuritaire », ou encore de n’avoir pas formé adéquatement les employés.

En plus de réclamer que tous les usagers soient indemnisés à hauteur minimale de 20 000 $, « indépendamment de leur infection à la COVID-19 », l’action collective demande que la somme de 2500 $ soit remise « aux enfants de chaque membre » en indemnisation pour « les inconvénients associés à l’anxiété face à la situation de leurs parents et à leur possible contamination ». Les petits-enfants, eux, toucheraient 500 $.

Pour les usagers du CHSLD qui ont contracté la COVID-19, et qui ont survécu, une somme « supplémentaire » de 30 000 $ est demandée. Les proches d’Olga Sarlis souhaitent aussi un montant en plus « à déterminer pour chaque membre qui désire présenter la preuve d’une perte particulière et plus importante ».

Si les citoyens obtiennent gain de cause, les enfants de chaque résidant infecté pourront toucher jusqu’à 10 000 $, tandis que les petits-enfants auront droit à 2500 $. L’aidant naturel de chaque membre pourra aussi recevoir 5000 $, une somme qui s’ajouterait « aux montants indiqués ci-dessus s’il s’agit d’un enfant ou d’un petit-enfant », lit-on dans les documents de Cour.

Enfin, pour les conjoints de résidants décédés des suites d’une infection ou de « maltraitance institutionnelle causée par l’éclosion », Vigi Santé devrait verser 100 000 $ dans chaque cas. Les enfants, petits-enfants ou héritiers, eux, toucheraient alors 30 000 $.

Une lourde somme en jeu

L’entreprise pourrait ainsi devoir payer environ un million de dollars, uniquement « en dommages-intérêts punitifs en raison de fautes lourdes » commises à l’endroit de ses 226 patients, qui avaient tous contracté le coronavirus l’an dernier – au moins 70 sont décédés et plus d’une trentaine ont été hospitalisés. D’autres sommes pourraient toutefois s’ajouter au courant du processus.

Dans ce dossier, Vigi Santé se défend notamment en faisant valoir que les demandeurs n’ont « démontré aucune apparence de droit » en raison « d’une absence d’allégations de fautes spécifiques » dans le cas d’Olga Sarlis en particulier. L’organisation a aussi rappelé que le Tribunal administratif du travail lui avait donné raison dans un premier temps, en mars 2021.

L’entreprise dit aussi avoir mené une « étude des directives ministérielles démontrant la présence de plusieurs contradictions fondamentales qui témoignent de l’absence de consensus scientifique quant aux mesures nécessaires pour lutter contre la pandémie » dans les CHSLD à l’époque.

À cela s’ajoute la pénurie de ressources « matérielles et humaines », avec laquelle le groupe dit composer au quotidien. Vigi prétend également que « s’il y a une apparence de droit, alors subsidiairement, le groupe doit avoir une limite temporelle et exclure les proches des résidants s’ils ne sont pas héritiers ».

C’est Radio-Canada qui avait révélé, en mai 2020, que l’ensemble des résidants du CHSLD Vigi Mont-Royal avaient contracté le virus, en plus de 148 employés. Le système de ventilation de l’établissement, qui était alors en panne, avait été mis en cause comme l’un des facteurs majeurs dans cette vague de transmission.

En mars, une enquête de La Presse révélait aussi le chaos qui a régné au sein de Vigi Santé, l’un des plus grands groupes de CHSLD privés conventionnés du Québec où la CNESST a délivré deux constats d’infraction pour des manquements aux mesures sanitaires.

Appelée à réagir, l’adjointe administrative du groupe Vigi Santé, Sylvie Ferland, a indiqué que l’entreprise ne « fera[it] aucun commentaire » à ce stade-ci, puisque le processus est toujours judiciarisé. Le tribunal devra éventuellement trancher sur le fond de l’action collective, après que tous les avis concernant celle-ci auront été diffusés dans un délai raisonnable.