Sylvie Bisson, 60 ans, et sa fille Myriam Dallaire, 28 ans, ont été brutalement tuées à coups de hache lundi soir dans leur résidence de la municipalité de Sainte-Sophie, dans les Laurentides. Selon nos informations, le suspect de ce double féminicide serait Benjamin Soudin, qui était en couple avec Mme Dallaire jusqu’à tout récemment.

Appelée sur place vers 21 h 15, la Sûreté du Québec (SQ) s’est rendue dans la résidence de la rue Samson, à Sainte-Sophie.

La spacieuse demeure cachée par les arbres a été le théâtre d’un violent double meurtre. Les policiers y ont trouvé deux femmes gravement blessées. Selon nos informations, elles ont été tuées à coups de hache. Le crime s’inscrit dans une inquiétante série de meurtres conjugaux survenus au Québec ces dernières semaines.

Les deux victimes habitaient à la même adresse dans une maison bigénérationnelle.

Elles ont été transportées dans un hôpital de la région de Montréal, où le décès de Mme Bisson a d’abord été constaté. Myriam Dallaire, une jeune mère de famille, se trouvait toujours dans un état critique mardi matin. La police a confirmé son décès en début d’après-midi.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE MYRIAM DALLAIRE

Myriam Dallaire

Benjamin Soudin, suspecté d’avoir tué les deux femmes, était jusqu’à récemment en couple avec Mme Dallaire. Peu après la violente tragédie, l’homme de 33 ans aurait quitté la résidence en voiture. Une collision est alors survenue autour de 21 h 15 avec un autre véhicule à Saint-Jérôme, rue Bélanger, près de la rue Michel-Renaud, à quelques kilomètres des lieux du drame.

L’homme de 33 ans a été blessé gravement. « L’autre personne impliquée dans la collision a subi des blessures qui ne mettent pas sa vie en danger », explique Marie-Michèle Moore, porte-parole de la SQ.

Benjamin Soudin a des antécédents de violence. Il a été emprisonné pendant plusieurs mois en 2011 pour avoir battu un homme de 50 ans avec une barre de métal. Il s’était d’abord introduit dans le domicile de la victime à Thetford Mines avec trois complices.

Une relation qui battait de l’aile

Bouleversé et accablé, le père de la victime est actuellement avec son autre fille. « Myriam était trop mal en point. Il a fallu prendre la décision de la débrancher. C’était très dur », chuchote Pierre Dallaire, l’oncle de la victime. Résidant de Sainte-Sophie, il s’est précipité devant les lieux du drame mardi après-midi pour essayer de mieux comprendre le fil des évènements.

« Personne ne s’attend à ce genre de violence dans sa famille. Personne. C’est de la violence envers les femmes. J’ai parlé avec mon frère, et il est tellement secoué. Il a perdu sa femme et sa fille », dit Pierre Dallaire.

Selon lui et d’autres proches qui n’ont pas voulu être nommés, la relation de couple de Myriam Dallaire et de l’homme suspecté de l’avoir tuée battait de l’aile.

On le connaît très peu. On essaye de comprendre. C’est quelqu’un qui semblait normal, mais a-t-il pu disjoncter au sujet de la rupture ? Ça demeure des spéculations.

Pierre Dallaire

Myriam Dallaire et son ex-conjoint étaient parents d’un garçon d’à peine 1 an. L’enfant se trouvait dans le domicile de la rue Samson, lundi soir. Il est sain et sauf, mais devra vivre sans sa mère et sa grand-mère, ajoute M. Dallaire.

« Ça ne fonctionnait déjà plus depuis quelques mois. Ils n’étaient plus vraiment ensemble », poursuit l’oncle endeuillé. Toutefois, le suspect de 33 ans habitait toujours avec elle. Les policiers ont d’ailleurs retrouvé ses effets personnels dans la maison bigénérationnelle de Sainte-Sophie, où les parents de Myriam Dallaire demeuraient aussi.

Alertée par le vacarme peu avant le meurtre, Sylvie Bisson, la mère de la victime, s’est précipitée au rez-de-chaussée dans l’espace habité par sa fille et son gendre. C’est à ce moment qu’elle aurait été attaquée violemment par le suspect avec l’arme tranchante.

« Mon frère a entendu la porte claquer. Il [le suspect] avait déjà quitté la maison quand il a retrouvé les corps », raconte M. Dallaire d’un seul trait.

Jeune mère dévouée

Myriam Dallaire est décrite par ses proches comme une jeune mère dévouée, pleine d’entrain, à la bonne humeur contagieuse. Éducatrice en petite enfance, elle venait tout juste de terminer son congé de maternité, enthousiaste d’être de retour au travail. Sylvie Bisson partageait le même engouement pour la vie. Elle envisageait une retraite paisible dans les Laurentides avec son conjoint, explique son beau-frère.

On n’exclut pas l’hypothèse que l’accident de voiture qui a suivi ce double féminicide soit un geste volontaire de la part du suspect, a confié une source policière à La Presse.

On parle d’une violente collision entre les deux voitures. Ce n’est qu’une heure et demie après l’accident que Benjamin Soudin a pu être extirpé du véhicule au moyen de pinces de désincarcération. Le conducteur de l’autre véhicule a également été transporté à l’hôpital.

Mardi en fin d’après-midi, le suspect était toujours en salle d’opération. L’homme est hors de danger et doit être rencontré par les policiers quand son état de santé le permettra. Il demeure sous surveillance policière. L’autre conducteur impliqué dans la collision a également survécu.

Une tendance ?

La professeure à l'UQAM et ex-directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes Rachel Chagnon affirme qu’il est encore trop tôt pour qualifier de « tendance » la série de meurtres conjugaux survenus au Québec depuis le début de l’année. Selon elle, il faudra encore plusieurs mois et plusieurs études pour mesurer l’impact réel du confinement sur la violence conjugale.

« Est-ce que la proximité constante avec son agresseur rend plus difficile la dénonciation ? Est-ce que l’anxiété causée par la pandémie allume des mèches plus rapidement ? Banalisons-nous les gestes d’hommes violents sous prétexte que la pandémie rend plus irritable ? Ce sont plusieurs questions pour lesquelles nous pouvons émettre des hypothèses, mais il nous faudra prendre du recul pour trouver des réponses plus fines », énonce-t-elle.

Cela dit, les femmes victimes de violence conjugale ont perdu de précieux outils pour fuir leur agresseur ; par exemple, il ne leur est plus possible de se réfugier au travail ou chez une amie. « D’où l’importance de rappeler que des environnements sécuritaires, comme les maisons d’hébergement, existent, même en temps de pandémie. »

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse

D’AUTRES FÉMINICIDES SURVENUS EN 2021

5 février

Mère de quatre enfants, Elisapee Angma, 44 ans, est assassinée à Kuujjuaq par son ex-conjoint, Thomassie Cain, qui met ensuite fin à ses jours. Le 3 novembre 2020, il avait été ordonné à l’homme de 41 ans, accusé d’agression armée contre Mme Angma, de ne plus entrer en contact avec elle. Arrêté une nouvelle fois le 16 janvier dernier pour non-respect de conditions, il a été remis en liberté deux semaines avant le meurtre de son ex-conjointe.

21 février

Deux jours après avoir alerté la police au sujet de menaces de mort à son égard, Marly Édouard, 32 ans, est retrouvée morte, une balle dans la tête, dans le stationnement de sa résidence à Laval. Au moment du meurtre, le dossier contenant ses plaintes déposées à la police était toujours ouvert. La jeune femme y évoquait des menaces sérieuses faites par un proche, à la suite d’une dispute. L’enquête a été transférée au Bureau des enquêtes indépendantes.

23 février

Au petit matin, Nancy Roy, 44 ans, est poignardée à mort par son conjoint, dans un édifice résidentiel à Saint-Hyacinthe. Au centre hospitalier où elle est transportée, des traces de violence sont relevées sur son corps. Son conjoint, Jean-Yves Lajoie, 57 ans, a été formellement accusé de meurtre au deuxième degré. Il doit retourner en cour à la mi-mars pour la suite du processus judiciaire.