(Montréal) La mort de la fillette de Granby en 2019 a été marquée par « des manquements à toutes les étapes du processus clinique et légal » visant à la protéger, conclut la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) dans un rapport d’enquête publié mardi. Québec dit prendre ces conclusions « très au sérieux » et promet de donner suite à ce rapport accablant.

« Combien d’enfants devrons-nous encore pleurer, combien d’enfants allons-nous laisser être victimes de maltraitance, victimes de notre tendance à banaliser l’inacceptable. Quand notre système de protection, au-delà des mots, prendra-t-il le parti des enfants et de leurs droits ? », s’interroge par communiqué Suzanne Arpin, vice-présidente de la CDPDJ.

La Commission a émis plusieurs recommandations qui ont été dévoilées mardi.

On suggère que l’obligation d’une évaluation du lien d’attachement soit systématiquement réalisée et soit inscrite dans la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), quand le délai maximum de placement est atteint et qu’un projet de vie est envisagé.

Le point de vue de l’enfant doit être entendu et pris en compte. Il doit être rencontré souvent et pouvoir s’exprimer en toute sécurité et confidentialité auprès des intervenants, ajoute-t-on dans le rapport.

Le rapport recommande aussi de se pencher sur les conditions de travail des intervenantes et intervenants de la DPJ pour régler le problème de recrutement et mieux retenir le personnel.

« Les enfants ne devraient pas être victimes des bris de services et des changements répétés d’intervenantes et d’intervenants. Les enfants méritent d’être connus par les personnes qui doivent les protéger et établir avec celles-ci une relation d’aide qui soit de qualité » plaide Mme Suzanne Arpin.

La Commission demande la création d’une formation sur la protection de la jeunesse auprès des éducateurs à la petite enfance. On suggère aussi de revoir les critères d’accréditation des Centres de la petite enfance (CPE) pour garantir que tous reçoivent une formation dans leur cursus sur la Loi et sur l’obligation de signaler.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a indiqué accueillir « favorablement » les conclusions de l’enquête et les recommandations présentées » par la Commission et les « prendre au sérieux ». Selon lui, « les lacunes principales soulevées mettent de l’avant des enjeux liés à des dysfonctionnements quant aux mécanismes de contrôle et de suivi », notamment.

« Je prends bien acte des recommandations fournies par la Commission, et j’entends m’assurer de leur mise en œuvre, car il faut absolument éviter que cette situation ne se reproduise. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu ces conclusions pour agir rapidement à la suite de cette terrible tragédie, notamment en réduisant les listes d’attente et en embauchant de nouvelles ressources. La DPJ de l’Estrie a aussi profondément changé ses façons de faire depuis, et continue sans cesse de s’améliorer en ce sens », a-t-il souligné.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a mené cette enquête de sa propre initiative.

La fillette de Granby était victime de négligence et de violence de la part de la part de son père et de la conjointe de ce dernier. Elle faisait l’objet d’un dossier à la DPJ depuis quelques années. Elle a été retrouvée chez elle en avril 2019 ligotée et mal nourrie. Son décès avait été constaté à l’hôpital peu après.

Sa mort a secoué tout le Québec et est à l’origine du déploiement de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, présidée par Régine Laurent.