(Longueuil) Le comédien et animateur Edgar Fruitier aurait abusé de la confiance d’un adolescent qui le considérait comme un « grand frère » dans les années 1970 pour lui faire des attouchements sexuels à trois reprises. Les agressions auraient eu lieu au chalet et dans le studio d’enregistrement de l’artiste renommé, a-t-on appris lundi à son procès pour attentat à la pudeur.

« J’étais agrippé, je ne pouvais rien faire. Il a redescendu sa main sur mes [parties génitales] », a raconté la victime alléguée d’Edgar Fruitier. C’était la première fois qu’on entendait le récit du plaignant depuis la mise en accusation du comédien, il y a deux ans.

Masque accroché au menton, la démarche difficile, l’homme de 90 ans s’est présenté en personne lundi au palais de justice de Longueuil. « À mon âge, c’est même exceptionnel que je sois encore vivant », a-t-il lancé en boutade à son avocat, avant le début de l’audience.

Edgar Fruitier fait face à deux chefs d’accusation d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin pour des gestes qui se seraient produits en 1974 et 1976. Son procès a toutefois été particulièrement rapide lundi, puisque la preuve de la Couronne reposait sur le témoignage du plaignant l’an dernier à l’enquête préliminaire, alors que la défense n’a présenté aucune preuve.

Le plaignant a 15 ans en 1974, alors que l’accusé est au début de la quarantaine. Un lien de confiance s’est installé entre les deux. À l’été, Edgar Fruitier lui offre un emploi dans un théâtre de l’Estrie. Il propose de le transporter et de l’héberger à son chalet d’Eastman. Un soir, Edgar Fruitier prépare le souper, alors que le plaignant lui fait dos. C’est à ce moment qu’aurait eu lieu la première agression, qui n’aurait duré que quelques secondes.

« Il est arrivé en arrière de moi et c’est là qu’il s’est pris pour m’agresser. […] J’ai senti deux mains me prendre, je n’étais pas pesant, j’avais comme l’impression que je flottais dans le vide, je ne touchais plus à terre. […] Il me serrait fort, au moment où sa main a baissé pour me toucher les parti[es], il m’a mis sa main sur mon sexe, sur mon pénis, j’ai senti comme relâcher. Son autre main a descendu comme s’il voulait descendre mon pantalon. À ce moment, je suis parti », a témoigné le plaignant à l’enquête préliminaire.

Dans les mois qui suivent, l’adolescent prend ses distances, mais garde contact avec Edgar Fruitier. Ce dernier l’embauche pour faire du ménage en 1975 et lui offre même un voyage. L’adolescent est toutefois de plus en plus mal à l’aise en sa présence. Un jour, des attouchements similaires se reproduisent.

« Il est arrivé à l’arrière de moi, et il a fait la même chose, mais moins rough. […] Mais sa main a fait la même chose, elle est descendue sur mon sexe, je me suis juste tassé, c’est tout », a résumé le plaignant.

Alors que l’adolescent s’éloigne du comédien, ce dernier lui achète de l’équipement d’enregistrement audio d’une valeur de 1500 $. La troisième agression alléguée aurait eu lieu dans le studio d’enregistrement d’Edgar Fruitier. Les circonstances sont similaires aux deux premières agressions. Le comédien aurait « agrippé » de dos l’adolescent et lui aurait touché les parties génitales par-dessus ses vêtements.

« Ce n’est pas un malentendu »

Il n’y a « aucune ambiguïté » dans ces gestes, a martelé lundi la procureure de la Couronne MErin Kavanagh. « Ce n’est pas un malentendu. Ce n’est pas un accident. La même chose se repasse deux ans plus tard. […] Ce sont des gestes, clairement, qui ont été posés contre le gré de la victime sur plusieurs années », a fait valoir la procureure.

Edgar Fruitier est jugé en vertu de la loi en vigueur à l’époque, même si l’article « d’attentat à la pudeur » n’existe plus depuis quatre décennies dans le Code criminel. Ce crime consiste à des voies de fait commis de façon « indécente ».

Le terme « indécent » a en quelque sorte été remplacé par le terme « sexuel » au début des années 1980, a expliqué Me Kav­anagh. Toucher les organes génitaux d’une personne de sexe masculin de plus de 14 ans sans son consentement représente ainsi un attentat à la pudeur, selon la Couronne.

La défense convient qu’Edgar Fruitier a commis des voies de fait à l’endroit de l’adolescent, mais rejette catégoriquement le caractère sexuel des gestes. « Il y a un doute raisonnable sur le caractère indécent du geste de M. Fruitier », a plaidé MRobert Polnicky.

Pour la défense, il n’y a eu « aucune conversation inappropriée avant, pendant ou après et aucun autre geste, mouvement ou attouchement entourant ceci qualifié de sexuellement subjectif ». Bref, ce sont des « actes isolés », a affirmé MPolnicky. Ce dernier a reproché au plaignant de prêter une « intention » à Edgar Fruitier, laquelle n’est pas « objectivement vérifiable ».

Des commentaires qui ont fait bondir la procureure de la Couronne. « L’accusé lui a touché son pénis à trois reprises, il ne peut pas lui prêter une autre intention. La preuve n’est pas contredite, on n’a pas une autre version, on a la version crédible et fiable de la victime », a conclu MKav­anagh.

Le juge Bisson rendra sa décision le 22 juillet prochain.

Dans sa longue carrière, Edgar Fruitier a joué dans plus de 200 pièces de théâtre. Il s’est également démarqué à la télévision dans La famille Plouffe, Les belles histoires des pays d’en haut et l’émission jeunesse La boîte à surprises. Il a également été animateur et chroniqueur à ICI Radio-Canada Première, en plus de prêter sa voix au personnage de Montgomery Burns dans Les Simpson.