(Toronto) Selon des informations inédites du Service correctionnel du Canada, seulement 2 % des analyses effectuées par des décideurs externes indépendants ont abouti à ce que les détenus soient sortis de l’isolement, et cela n’a pas toujours été fait immédiatement.

« Il peut y avoir de rares cas où le renvoi peut ne pas être immédiat, par exemple, si le détenu refuse de partir ou si un transfert est en attente pour un placement convenable », a indiqué le service.

« Notre objectif est de nous assurer qu’ils puissent être retournés en toute sécurité dans un environnement différent, ce qui dans la plupart des cas est celui d’une population majoritaire. »

Les données, qui ont été reçues avec scepticisme par certains, indiquent que les évaluateurs externes se sont prononcés 1475 fois en date du 1er novembre. De ce nombre, 905 cas ont été évalués parce que des détenus étaient isolés plus longtemps que les périodes autorisées par la loi.

Il y a un an, après que les tribunaux eurent annulé à plusieurs reprises l’isolement préventif utilisé pour séparer les prisonniers qui constituaient une menace pour eux-mêmes ou pour autrui, le gouvernement a mis en place un nouveau système appelé « Unités d’intervention structurée » (UIS).

Les principaux changements permettent notamment aux détenus de quitter leur cellule pour au moins quatre heures par jour, pour leur donner au moins deux heures d’interaction significative avec d’autres. Un mécanisme de surveillance externe pouvant aboutir à des directives contraignantes a aussi été mis en place.

Depuis ce temps, les évaluateurs ont examiné les conditions de détention d’environ 740 détenus. L’objectif était de voir si les autorités respectaient les nouvelles règles, telles que de donner aux détenus la possibilité de sortir de leur cellule et d’interagir avec les autres.

Dans l’ensemble, les analyses ont conclu que les autorités avaient pris toutes les mesures raisonnables pour s’acquitter de leurs obligations dans 79 % des cas, a indiqué le service.

Certains ont toutefois jugé que le nouveau système équivalait à un isolement cellulaire rebaptisé. Par exemple, le criminaliste Anthony Doob, qui a dirigé le comité consultatif du gouvernement sur le sujet, et sa collègue Jane Spott ont conclu qu’Ottawa ne respectait pas les exigences législatives.

Entre autres choses, leur analyse a révélé qu’un pourcentage important de détenus avaient passé plus de deux mois en isolement et qu’une infime partie d’entre eux avaient bénéficié des quatre heures obligatoires par jour hors de leurs cellules et des deux heures de contact humain.

Adelina Iftene, professeure adjointe de droit à l’Université Dalhousie, estime que ces données soulèvent des questions sur le processus d’évaluation et les décideurs externes indépendants (DEI).

« Soit il y a un manque de clarté sur ce que sont exactement le rôle et les pouvoirs des DEI, soit les DEI sont des tigres sans dents, soit les DEI ne remplissent pas leur rôle », a-t-elle souligné.

« La conséquence demeure qu’il n’y a peut-être toujours pas de surveillance efficace des placements dans les UIS. »

Le petit nombre d’analyses aboutissant à des directives pour sortir un détenu de l’isolement suscite également des questions sur la qualité des informations fournies aux évaluateurs, selon Mme Iftene.

« Savaient-ils que tant de personnes vivaient l’isolement cellulaire ?, s’est-elle demandé. Dans l’affirmative, comment est-il possible qu’ils recommandent le retrait des UIS seulement dans 2 % des cas ? »

La question de savoir si les droits des individus sont respectés nécessite qu’on y réponde par oui ou non, a ajouté Mme Iftene. Il n’y a pas de « mesures raisonnables ».

Le Service correctionnel du Canada a défendu son approche, affirmant que le nouveau système fait partie d’une « transformation historique » qui ne peut se produire du jour au lendemain.

« Il faut du temps pour instiller un changement culturel et transformationnel », a déclaré le service.