Même s'il est emprisonné à perpétuité, pour avoir assassiné sauvagement une adolescente de 17 ans en lui assénant 72 coups de couteau, Sébastien Simon réussit à avoir une vie amoureuse active : il est marié depuis deux ans, reçoit la visite de sa conjointe deux ou trois fois par semaine, et passe avec elle un week-end par mois dans la « roulotte » du pénitencier réservée aux visites familiales.

Il s'agit de sa troisième relation amoureuse depuis son emprisonnement, en 2006.

C'est ce qu'a appris jeudi la famille de sa victime, Brigitte Serre, en assistant à une audience de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) à l'établissement Archambault, à Sainte-Anne-des-Plaines, où le meurtrier de 31 ans est détenu dans une aile à sécurité minimum.

« On est amoureux, ma conjointe m'aide à cheminer, elle m'apporte des valeurs familiales que je n'ai pas eues dans ma vie. » - Sébastien Simon aux commissaires

Il demandait la permission de faire des sorties avec escorte, quatre journées par année, pour visiter sa femme chez elle, pour rencontrer ses deux filles et se familiariser avec son environnement, en prévision de son éventuelle libération sous condition, quand il aura purgé 25 années de détention.

La CLCC a refusé sa demande, estimant qu'elle était « prématurée ».

Les proches de Brigitte Serre, qui ont livré des témoignages poignants devant les commissaires pour s'opposer à sa demande, se sont dits choqués d'apprendre le mariage du criminel.

« On est contents du refus de la Commission », a commenté le père de la victime, Bruno Serre, à sa sortie de l'audience. « Mais on a su en même temps que vous qu'il était marié. »

« Comme victimes, on n'a aucune information sur sa réhabilitation, on ne sait rien de son cheminement », a ajouté sa fille, Amélie Serre.

« BORN TO KILL »

L'assassinat de Brigitte Serre, le 25 janvier 2006, avait indigné le Québec. Avec deux complices, Sébastien Simon, alors âgé de 18 ans, a cambriolé une station-service de Saint-Léonard où l'adolescente travaillait de nuit et où il avait lui-même été brièvement employé.

D'abord ligotée et enfermée dans les toilettes par un complice, Tommy Gagné, l'adolescente avait réussi à se détacher et avait reconnu son ex-collègue de travail.

Sébastien Simon lui a alors balancé son poing en plein visage, avant de la rouer de coups de pieds et de l'achever en la poignardant 72 fois, avec une fureur ahurissante. L'adolescente est morte étouffée dans son sang.

Après avoir pris la fuite avec 2000 $ et des cigarettes, les voleurs ont fait la fête en compagnie de prostituées dans une chambre d'hôtel. Le lendemain, Simon s'est fait tatouer un message sur les deux bras : « Born to kill » sur l'un, « Born to die » sur l'autre.

Il a été arrêté quelques jours plus tard à Edmonton et a plaidé coupable à des accusations de meurtre au premier degré, juste avant le début de son procès. Il a été condamné en septembre 2007 à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

EN CENTRE JEUNESSE À 9 ANS

« Quand je me suis retrouvé face à face avec elle, j'ai paniqué. J'ai réagi tout de suite avec violence », a raconté Sébastien Simon, en répondant jeudi aux questions des commissaires. C'était la première fois qu'il donnait sa version des faits, puisqu'il n'y a pas eu de procès en raison de sa reconnaissance de culpabilité.

Le criminel a aussi expliqué que ses parents violents et alcooliques l'avaient poussé à la délinquance. Il s'exprimait posément devant les commissaires, l'air sérieux avec ses lunettes à monture foncée.

« J'étais battu tous les jours, mes parents me surnommaient "tas de marde". » - Sébastien Simon

Il a commencé à prendre de l'alcool et de la drogue à 9 ans, a-t-il relaté, et s'est alors retrouvé en centre jeunesse, où il est resté jusqu'à sa majorité, à part quelques périodes de fugues.

À 18 ans, n'ayant terminé que sa sixième année, il vendait de la drogue et comptait s'enrôler dans l'armée, avant la soirée fatidique de janvier 2006.

Depuis sa détention, il a fait d'importants progrès vers la réhabilitation, a souligné la CLCC. Il a terminé son secondaire et termine sa troisième attestation d'études collégiales. Il travaille comme déneigeur sur les terrains du pénitencier, ce qui lui permet de sortir de l'enceinte sécurisée.

Des thérapies lui ont permis de se défaire de sa dépendance aux drogues et de comprendre les sources de sa violence. Il a aussi participé à une démarche de justice réparatrice.

CHANGEMENT DE MESSAGES

Il a recouvert de façon artisanale, en détention, ses deux tatouages aux bras. Mais d'autres inscriptions sont apparues ailleurs : « Never give up », le long de son arcade sourcilière gauche, ainsi que « Honor » et « Loyalty », dans son dos.

Malgré tout, « le processus est loin d'être terminé », a affirmé la commissaire Jessie Landry-Marquis en annonçant la décision de la CLCC, notant sa tendance à l'impulsivité et l'impact toujours présent de ses carences affectives.

« Je ne peux pas croire qu'il a le courage de demander une permission de sortie si rapidement. » - Anna-Lisa Repele, mère de Brigitte Serre, dans son témoignage devant les commissaires, qu'elle a terminé en sanglots

« À sa prochaine demande, il va encore nous avoir dans les pattes. Il n'en a pas fini avec nous autres », a prévenu le père de la victime, Bruno Serre, qui a dit être habité par la rage depuis la mort de sa fille.

Amélie Serre s'est désolée de l'enfance violente du meurtrier de sa soeur. « Ce qu'il a vécu est atroce, aucun enfant ne devrait vivre ça. Mais ça n'excuse pas ce qu'il a fait, a-t-elle dit. Le système a failli à sa tâche. Il n'a pas reçu l'aide nécessaire quand il était jeune. C'est seulement après avoir tué ma soeur qu'il a pu avoir de l'aide psychologique. »

Sébastien Simon pourra faire dans deux ans une demande de révision judiciaire, en s'adressant à un jury pour être libéré avant les 25 années prévues, s'il démontre qu'il peut être réhabilité.

L'autre cambrioleur, Tommy Gagné, a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans. Il s'est suicidé en détention en 2014.

Joël Nantais, qui attendait les meurtriers dans une voiture à l'extérieur de la station-service, a été condamné à 18 mois de prison pour complicité après le meurtre.