Les communautés culturelles de Montréal veulent que soient interdites les interpellations policières de routine sur la voie publique.

Une coalition d’organismes représentant plusieurs communautés culturelles demandera d’abord à la Ville de Montréal d’instaurer un moratoire immédiat sur les interceptions de routine de citoyens sur la rue.

« Ce que les gens ne savent pas, c’est que la police ne peut pas tout simplement, pour n’importe quelle raison ou sans raison, vous aborder et demander de vous identifier », a expliqué Alain Babineau, un ex-policier de la GRC qui œuvre maintenant comme conseiller auprès du Centre de recherche-action sur les relations raciales, lors d’une conférence de presse vendredi à Montréal.

Il a ainsi précisé que ce qui détermine la légalité ou non d’une interpellation, « c’est le motif derrière l’intervention : une intervention qui est basée sur […] des stéréotypes ou sur des soupçons, c’est illégal. Une intervention qui est basée sur de l’information, sur des renseignements que la police aurait, ou dans un but […] de protéger un bien spécifique, ça c’est réglementaire ».

Rapport accablant pour le SPVM

La demande survient après que le Service de police de la Ville de Montréal eut rendu public un rapport démontrant que les personnes racisées sont beaucoup plus susceptibles d’être ciblées ainsi par les policiers. Par exemple, les femmes autochtones ont 11 fois plus de risques d’être interpellées par les policiers que les Blancs ; les Noirs, 4,2 fois plus de risques ; et les personnes arabes, deux fois plus.

« C’est important, quand nous parlons de profilage racial ou de discrimination, de savoir qu’il y a des gens qui sont victimes », a rappelé le président de la Ligue des Noirs, Dan Philip.

« C’est une violation de leurs droits, de la Charte québécoise et canadienne des droits et effectivement il faut poser la question : pourquoi n’y a-t-il pas déjà une réponse à l’Hôtel de ville pour demander qu’effectivement ça cesse comme pratique ? », a renchéri le conseiller municipal Marvin Rotrand, qui déposera la motion réclamant le moratoire à la prochaine séance du conseil municipal.

Témoignages troublants

Max-Stanley Bazin, de la Ligue des Noirs, a fait part de certains témoignages recueillis, dont celui d’un jeune homme qui, à quelques coins de rue de chez lui, a été intercepté de manière aléatoire, matraqué et battu, se retrouvant à l’hôpital. On lui a reproché d’avoir été en état d’ébriété sur la voie publique, sauf qu’à l’hôpital, la batterie d’examens qu’il a subis ont démontré qu’il n’avait pas d’alcool dans le sang.

« On n’a pas le droit d’inventer de la preuve. On ne peut pas arriver comme ça et dire : il y a telle chose qui s’est passée, alors que ça ne s’est pas passé », s’est insurgé M. Bazin.

« Présentement, cet homme vit dans la peur. La peur de la police. Il ne sait pas quoi faire. Il est totalement traumatisé », a fait valoir l’intervenant.

« Quand vous faites face à des individus qui violent la loi, qui s’en prennent à vous physiquement, agissent dans l’illégalité la plus totale, vous ne pouvez pas vous dire que ce sont des policiers. Dans la tête du citoyen normal, il se dit que ça ne peut pas être des policiers, ça ne se peut pas, parce qu’ils agissent comme des bandits », a-t-il martelé, insistant sur la perte de confiance généralisée qui s’ensuit.

« Quand des policiers agissent comme des bandits, le citoyen normal ne peut pas les percevoir comme étant des individus qui sont là pour le servir, pour le protéger. »

En août dernier, la Cour supérieure a donné son aval à une action collective de 4 millions déposée par la Ligue des Noirs contre le SPVM pour profilage racial.

Précédents en Ontario et en Nouvelle-Écosse

Les organismes font valoir que l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont légiféré pour interdire cette pratique après que des juges dans les deux provinces eurent conclu que de telles interceptions étaient illégales.

La motion du conseiller Marvin Rotrand invitera aussi le conseil municipal à demander à Québec d’imposer une telle interdiction à travers la province.

« Le jugement en Ontario dit que […] le fait d’être membre de la communauté noire ne fait pas de vous un criminel et la police n’a pas le droit de vous interpeller parce que vous êtes Noir », a-t-il fait valoir.