Rien ne va plus au garage d’autobus Legendre de la Société de transport de Montréal (STM), où un climat de travail toxique a pris un tournant carrément violent dans les derniers mois, selon des rapports de santé et sécurité du travail.

Les documents, obtenus par La Presse en vertu de la loi sur l’accès, décrivent au moins deux batailles entre employés en 2023, forçant même une intervention de la police.

« L’incivilité, le harcèlement et la violence existent sur un continuum où le premier entraîne le [deuxième] qui entraîne le troisième. Au centre Legendre, nous en sommes rendus à la violence », écrit un inspecteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), dans un rapport du mois dernier.

« La tendance à la détérioration du climat laisse présager des incidents de violence plus graves », continue le document.

L’immense garage d’autobus Legendre est situé près du boulevard Saint-Laurent, juste au nord de la Métropolitaine. C’est au sein du service d’entretien, qui compte une centaine d’employés chargés de réparer les autobus, que les dérapages surviennent.

« La situation empire »

Les causes concrètes du mauvais climat de travail ne sont pas explicitées dans la documentation obtenue de la CNESST, partiellement caviardée. Mais son existence et le fait que « la situation empire » sont reconnus par l’employeur et le syndicat.

Ceux-ci semblent toutefois en désaccord sur beaucoup d’autres choses : cadres et syndiqués ne s’entendent pas sur la limite à tracer entre harcèlement et droit de gérance, toujours selon le document.

« Les discussions dans différentes langues peuvent avoir pour effet qu’une personne qui ne comprend pas ce qui est dit se sente exclue », avance aussi le rapport de la CNESST. « C’est un problème récurrent à travers tout le réseau de la STM. »

La STM connaît le problème de climat toxique depuis au moins 2019, moment auquel elle a commandé un rapport externe pour trouver des solutions, indique la CNESST.

« On nous indique que les recommandations n’ont pas toutes été mises en application cinq ans plus tard », continue l’inspecteur. « Qui plus est, celles qui ont été mises en place sont manifestement insuffisantes. »

Situation « prise très au sérieux »

« La STM est au fait d’un climat de travail tendu dans un de ses centres de transport, une situation qu’elle déplore et qui est prise très au sérieux », a commenté la STM, par courriel.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

C’est au sein du service d’entretien, qui compte une centaine d’employés chargés de réparer les autobus, que les dérapages surviennent.

« Nous avons mis en place une cellule d’intervention, de façon paritaire avec le syndicat, pour améliorer le climat de travail », a poursuivi l’organisation, dans sa déclaration. « La communication avec les employés, la sensibilisation sur le vivre ensemble et les suivis réguliers sont au cœur d’un plan d’action déjà à l’œuvre. Changer un climat de travail peut prendre plusieurs mois, nous allons prendre le temps et les actions qu’il faut pour remédier à cette situation malheureuse. »

En entrevue avec La Presse, le Syndicat du transport de Montréal (STM-CSN) a indiqué avoir lui-même tiré la sonnette d’alarme auprès des autorités.

Ça prenait de l’ampleur, on sentait qu’il y avait des situations qui allaient dégénérer, donc on a sollicité la CNESST. On a atteint un peu nos objectifs, parce qu’il y a maintenant une ouverture de l’employeur de travailler avec nous, à la suite de cette intervention.

Bruno Jeannotte, président du syndicat

M. Jeannotte n’a pas pu non plus décrire avec précision la source de la grogne au sein de ses membres : « Parfois, des petites situations s’accumulent et deviennent de plus gros évènements. C’est un peu ce qu’on a vécu à Legendre », a-t-il relaté. Les conflits existent autant entre travailleurs qu’entre travailleurs et cadres, a ajouté le syndicaliste.

« La STM manque parfois de rapidité »

Au bout du compte, c’est toutefois la responsabilité de l’employeur d’offrir des lieux de travail exempts de violence, a rappelé la CNESST.

« L’employeur doit formuler un plan en vue de mettre en place rapidement des mesures pour identifier, éliminer et contrôler les risques de violence en milieu de travail pour éviter d’autres incidents de ce genre, potentiellement plus graves cette fois-ci. »

« Comme je l’ai constaté dans d’autres dossiers, la STM manque parfois de rapidité dans sa prise en charge des risques de santé et sécurité au travail, ainsi qu’avec la recherche et la mise en application de correctifs », conclut le document. « L’inertie […] n’a pas besoin d’être la règle dans une organisation comme la STM. »