Victoire en demi-teintes pour les personnes âgées de la résidence Mont-Carmel, à Montréal : le propriétaire vient de leur annoncer qu’il renonce finalement à évincer celles qui ne sont pas encore parties.

Ce qu’il faut savoir

En février 2022, les personnes âgées de la résidence pour aînés Mont-Carmel ont reçu un avis d’éviction : leurs logis allaient redevenir des appartements standards.

L’affaire s’est transportée devant les tribunaux et sur la place publique, plusieurs groupes prenant la défense de ces aînés coriaces.

Le propriétaire, Henry Zavriyev, dit maintenant qu’il renonce à aller de l’avant avec les évictions.

Cela fait plus de deux ans que ce groupe de personnes âgées bataille ferme – sur la place publique et devant les tribunaux – pour éviter que sa résidence pour aînés (RPA) soit transformée en logements standards.

Deux ans qu’ils se réunissent tous les mercredis, pour un café, mais surtout pour garder le moral.

Puis, cette lettre, signée par le propriétaire, Henry Zavriyev, qui vient de leur parvenir.

« Vos préoccupations, conjuguées à une évaluation de l’ensemble du dossier, nous ont fait revoir notre approche et motivent notre décision. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Cela fait plus de deux ans que ce groupe de personnes âgées bataille ferme pour éviter que la résidence pour aînés Mont-Carmel soit transformée en logements standards.

Une nouvelle douce-amère que celle-là, comprend-on à la réaction des personnes âgées.

Il y a deux ans, ils étaient 216 résidants, ils sont maintenant, « 47 résistants », résume en entrevue Normand Brault, membre du comité Sauvons le Mont-Carmel.

Constance Vaudrin explique que dès le lendemain de la réception de l’avis d’éviction, un comité a été formé pour éviter que les gens, sous le choc de l’annonce, se replient dans leur appartement et broient du noir. « Il fallait surveiller ceux qui n’allaient pas bien, donner des nouvelles – des avocats, surtout – et organiser des activités, étant donné qu’il n’y avait plus de comité de loisirs. »

Ensemble, on se donnait de l’espérance.

Constance Vaudrin

De cette lutte, elle retient la solidarité des aînés, qui, encore ces dernières semaines, ont continué d’assister par dizaines aux rencontres du mercredi, accueillant dans leurs rangs ceux qui avaient décidé de déménager.

Fibre militante

Le propriétaire était tombé sur des personnes âgées coriaces « et solidaires », dit Mme Vaudrin, qui souligne que plusieurs d’entre elles se connaissent de longue date et avaient déjà la fibre militante. « Certains militaient pour la solidarité internationale, d’autres étaient dans le travail communautaire, dans la défense de différents droits… »

En deux ans, ils sont allés devant la Cour supérieure, devant le Tribunal administratif du logement. Mais comme l’explique Mme Vaudrin, rien n’est plus pareil. « Sur les 15 appartements de mon étage, nous ne sommes plus que deux aînés. » Après l’avis d’éviction, quantité de personnes âgées ont décidé de partir. « M. Zavriyev a augmenté les loyers » et beaucoup des logis sont maintenant occupés par des demandeurs d’asile qui, étant donné le coût, vivent à plusieurs dans le même appartement, note Mme Vaudrin.

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La résidence pour aînés Mont-Carmel

« On a de bons contacts avec eux, mais bien sûr, ils arrivent avec leur jeunesse, la musique un peu forte… »

Bref, Mont-Carmel n’a plus grand-chose de la RPA qu’elle était et la victoire décrochée est « somme toute bien partielle », poursuit Mme Vaudrin.

« Il faut tenir compte des résidants qui sont partis en cours de route. Il y a aussi ceux et celles qui, sous pression, devant les avis d’éviction, ont signé de nouveaux baux non liés à la certification RPA et qui demeurent encore à Mont-Carmel. Nous n’avons pas du tout l’intention de baisser les bras à leur sujet. »

Branche d’olivier

À la fin de 2022, se disant las d’être dépeint comme le champion de la « rénoviction » de personnes âgées, M. Zavriyev avait fait une sortie dans les médias. Il disait souhaiter que le débat soit dépersonnalisé et il faisait valoir que ses décisions d’affaires étaient les mêmes que celles de tant d’autres gestionnaires de résidences privées pour aînés en difficulté.

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Gisèle Ampleman dans l’une des pièces communes de la résidence

Dans la lettre qu’il vient d’envoyer aux résidants, M. Zavriyev tend la branche d’olivier. « Nous comprenons et reconnaissons que l’annonce de la conversion de vos logements, en février 2022, a suscité des inquiétudes et de vives réactions chez plusieurs d’entre vous. Votre passion pour votre résidence a été clairement exprimée, c’est le moins qu’on puisse dire », écrit-il dans sa lettre.

M. Brault, qui tient à remercier les syndicats, les groupes populaires et la députée Manon Massé, de Québec solidaire, pour leur appui, croit que la lutte est loin d’être terminée. « On ne veut plus que notre RPA soit la propriété d’un bonhomme, il faudrait que l’on se transforme en RPA communautaire, sous forme d’OBNL [organisme à but non lucratif], par exemple. »

« Avec nos avocats, on réfléchit à l’accusé de réception qu’on écrira. S’il [le propriétaire] est sérieux, il faut qu’il permette à ceux qui sont partis de revenir », soutient M. Brault.

Il dit ne pas prendre la conversion de M. Zavriyev « pour du cash » et il espère maintenant que les lois soient changées pour éviter que d’autres aînés au Québec vivent tout le stress qu’eux-mêmes ont vécu.